Penser et bâtir ensemble une Europe sans pauvreté ni exclusion.
Ce 15 octobre, à l’initiative de l’Intergroupe « lutte contre la pauvreté et défense des droits de l’homme », un nouveau pas a été franchi au Parlement européen vers la mise en oeuvre des propositions élaborées en concertation avec d’autres.
Avant la rencontre, les ONG parties prenantes de l’Intergroupe se sont retrouvées et se sont redit leur volonté de travailler ensemble.
Tout au long de la concertation et de l’élaboration de ces propositions, c’étaient des êtres humains, des citoyens européens, de tous horizons qui se rencontraient avec l’objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté et à l’exclusion.
Le deuxième temps de ce 15 octobre, un temps de dialogue libre et direct avec les députés européens, s’est situé dans le même esprit. Nous en donnons trois échos :
Angèle Pens (militante ATD Quart Monde) : « La rencontre entre parlementaires et personnes vivant dans la pauvreté doit être plus fréquente, efficace et sérieuse avec des résultats pour avancer. (…) Il doit y avoir un suivi et des réponses aux questions posées, c’est un droit du citoyen d’être au courant de ce qui se passe et d’avoir des réponses. »
Patrice Begaux (militant ATD Quart Monde) : « La dignité humaine est primordiale peu importe l’âge : nous avons tous les mêmes droits. (…) Quel pouvoir vous avez face aux mesures prises pour l’emploi que mettent en place les gouvernements ? Est ce que vous pouvez vous battre pour un revenu décent et un travail décent en Europe ? »
Freddy Lambier (militant ATD Quart Monde) : « Nous demandons à l’Union européenne aux États membres de mettre en place un mécanisme de reconnaissance des compétences acquises de manière informelle » et il donna des exemples concrets.
Le troisième temps a été un débat public, présidé par Sylvie Goulard (ADLE), présidente de l’Intergroupe, en présence du Commissaire désigné à l’Euro et au dialogue social, Valdis Dombrovskis.
René Locqueneux (militant ATD Quart Monde) : Nous avons pensé qu’il fallait faire des propositions qui soient recevables et qui puissent avoir un impact sur les politiques européennes, il fallait connaître ces politiques, et connaître et comprendre les personnes qui travaillent à Bruxelles sur ces politiques. Il fallait croiser nos expériences entre des personnes qui connaissent la pauvreté et des personnes en lien avec les institutions européennes. (…) Tous les membres du groupe ont été acteur dans l’écriture des propositions car toutes les paroles étaient enregistrées et décryptées afin de retenir ce qui était le plus important.
Elena Flores (économiste, DG ECFIN et alliée ATD Quart Monde) : Dans ces décisions et ces choix [croissance économique et création d’emploi] , on doit prendre en compte que des politiques qui laissent de côté de plus en plus de personnes ne sont pas soutenables sous aucun point de vue, y compris d’un point de vue économique. On sait par exemple que l’accroissement des inégalités a des effets négatifs sur la croissance.
Jaime Muñoz (volontaire ATD Quart Monde : Ce qui doit continuer à changer, au fond, nous disent ces personnes, ce sont nos ambitions démocratiques, nos pratiques démocratiques. (…) Cette violence d’être contraint à vivre à la rue ou dans des logements insalubres, sans papiers ou dans des conditions légales précaires, d’être sans travail ou exploité dans des travaux au noir… ces réalités sont partagées par de nombreuses populations. (…) Approfondir la démocratie, c’est s’informer, connaître les réalités de l’extrême pauvreté. Devenir une société qui ne reste pas ignorante de ce qu’une partie de ses citoyens est contrainte de vivre.
Dans le débat, Barbara Helfferich (EAPN), Freek Spinnwijn (FEANTSA ), Heather Roy (EURODIACONIA), Jorge Nuno Mayer (CARITAS EUROPA) ont tous insisté pour que les choses changent concrètement : « Les pauvres font partie de la solution [au problème de la pauvreté] » (EAPN), « il faut utiliser les fonds structurels pour lutter contre la pauvreté et que les sans-abris soient inclus dans les programmes » (Feantsa). « Il faut réexaminer la croissance inclusive dans la stratégie 2020 » (Eurodiaconia). « Il faut mesurer l’impact social dans les politiques adoptées » (Caritas Europa).
Jean Lambert (Verts) a insisté sur la reconnaissance de compétences de qualification et comment l’améliorer au niveau européen, Karima Delli (Verts) a mis en avant la nécessité d’avoir une directive sur un revenu minimum décent en Europe.
Le Commissaire Dombrovskis a dit vouloir travailler en contact permanent avec les partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social, mais aussi prendre en compte le dialogue civil (c’est-à-dire toutes les personnes de la société civile). « Ma tâche, a-t-il précisé, sera de coordonner toutes ces contributions et de les intégrer dans les politiques économiques, financières et sociales. »
Sylvie Goulard (ADLE) a remercié les participants et a entre autres noté : « En ce qui concerne les espaces permanents de dialogue, on est dans la construction dans la durée. Il est important d’avoir des relations de confiance, de reconnaître les compétences que l’on acquiert sans diplôme, d’avoir du respect pour l’autre, de ne pas témoigner d’agressivité ni de haine… »
Dans le débat qui a suivi, des membres du Parlement européen et une représentante de la Présidence italienne de l’Union Européenne ont abordé des pistes sur lesquelles travailler.
La représentante de la Présidence italienne de l’UE a insisté sur l’évaluation de la stratégie 2020 et l’importance d’en tirer les points forts et les points faibles, en particulier dans la lutte contre la pauvreté. Silvia Costa (S&D) : « Il faut créer des liens avec d’autres politiques afin d’avoir des conséquences positives sur la société dans son ensemble. La première bataille doit se livrer sur les plans culturel et politique afin de lutter contre l’exclusion »
Sylvie Goulard a conclu en demandant aux associations de « nous aider à savoir ce qui se passe sur le terrain dans les pays et de quelle façon les politiques sont ou ne sont pas mises en oeuvre ».
Après cette rencontre les participants, rejoints par d’autres, se sont retrouvés autour de la Dalle en hommage aux victimes de la misère. Ils se sont rappelé que « des milliers de personnes rejoignent les centaines d’initiatives dans leur pays et en Belgique, liées à cette journée mondiale du refus de la misère. Par poignée, dizaines, centaines de personnes, la journée mondiale du refus de la misère rassemble dans tous les continents des citoyens, associations et autorités qui acceptent de se laisser interpeller par la violence faite aux plus pauvres, par leur résistance et courage, qui fait d’eux les premiers défenseurs des droits de l’homme. »
Des personnes ont rappelé, dans différentes langues, des réalités mais aussi la façon dont ceux qui vivent dans la misère, avec d’autres, résistent au mépris, à la violence et à l’ignorance. « Plusieurs fois, des familles de ce quartier m’ont dit qu’elles avaient été traitées de « puantes » dans une association et dans un magasin qui refusait de les laisser entrer. Ça m’a fait très mal. C’est pour ça que j’ai proposé que ce 17 octobre, on aille ensemble à la rencontre de lieux où les familles se sentent respectées, pour qu’elles soient fières des lieux où elles vont, fières de nous les présenter. On échangera sur le thème : comment faire pour ne laisser personne de côté ? »
« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. » Joseph Wresinski