Une éducation qui n’abandonne personne
En Tanzanie, ATD Quart Monde expérimente et encourage la participation de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le développement de ses communautés ainsi que du pays. Depuis deux ans, une étude participative autour de l’accès à l’éducation est en route, coordonnée par un comité composé de douze hommes et femmes de différentes origines sociales, économiques et culturelles. Ce projet « Éducation pour Tous » a pour but de comprendre les conditions permettant aux enfants vivant dans l’extrême pauvreté de commencer et de finir le cycle d’enseignement primaire. Il vise à construire des « pratiques en action » destinées à être diffusées au reste du pays.
Alloyce Benjamin Chija a été interviewé en tant que participant à ce projet. Il est directeur de l’École Primaire Pwani, dans le district de Kinondoni.
En quoi consiste votre rôle dans ce projet ?
Alloyce Benjamin Chija: Je suis membre du groupe d’investigation. Différentes écoles et personnes, tels que des professeurs, participent à ce projet. L’objectif est de comprendre quels sont les défis et les réussites qui affectent les élèves.
Comment appréhendez-vous ce projet ?
Alloyce Benjamin Chija: Le but principal, c’est de garantir un accès à l’école primaire pour tous les enfants, ceci malgré les défis auxquels ils doivent faire face dans leur vie quotidienne ; qu’ils et elles comprennent qu’il est nécessaire qu’ils poursuivent leurs études jusqu’au bout pour pouvoir obtenir une formation.
De quelle manière vous impliquez-vous ?
Alloyce Benjamin Chija: En tant que groupe, nous avons participé à une période de formation à propos du projet. Dans notre équipe de travail, il y a des personnes venant de lieux très variés, certaines travaillent auprès d’enfants handicapés, d’autres font face à des défis quotidiens. Ma participation en tant qu’investigateur consiste à comprendre ces défis, et recevoir d’autres chercheurs dans mon école, rencontrer les personnes et les interviewer, et encourager les personnes interrogées à parler librement et sans hésitation. Aussi, mon rôle consiste à expliquer tout cela à mes supérieurs et à d’autres membres du système éducatif avec lesquels je travaille. D’après moi, ce projet m’a aidé à réaliser quelques changements dans mon école. J’ai vu la façon avec laquelle les enquêteurs conversaient avec les enfants, d’une manière très ouverte, et les enfants se sentaient libres de dire ce qu’ils voulaient. C’est quelque chose de très important, de ne pas mettre la pression sur les enfants pour leur faire dire quelque chose qu’ils ne veulent pas dire, tel que « non » quand ils veulent dire « oui ».
D’un point de vue personnel, que vous a apporté ce projet ?
Alloyce Benjamin Chija: Je suis professeur et je peux voir, derrière moi, toutes les personnes qui supportent le système éducatif. Je peux voir les membres d’ATD Quart Monde, réellement disposés à s’engager dans le domaine de l’éducation, et qui jamais n’abandonnent ou ne se fatiguent.
Ils réalisent quelque chose de concret à un moment précis, et m’enseignent que moi aussi je peux agir au bon moment. Les personnes d’ATD Quart Monde sont solidaires les unes avec les autres, et incluent les familles et les personnes les plus pauvres dans leurs actions. ATD Quart Monde va à des endroits comme Tandale, Ferry et Kunduchi pour accompagner les personnes les plus pauvres. Certaines personnes pensent que la population à Tandale n’est pas intéressée par l’éducation, mais ATD Quart Monde sait que ce n’est pas vrai et c’est pour cela que l’association s’implique avec les habitants de Tandale dans ce projet.
Ce projet, ainsi que le groupe d’investigation, m’ont motivé à travailler dans mon école de manière plus efficace, et à faire en sorte que tous les enfants reçoivent une éducation de qualité. Quand je parle de motivation, par exemple, si je vois qu’un enfant n’assiste plus aux classes, à l’école ou au collège, je vais le chercher, même en dehors de mes horaires de travail ; pour trouver ces enfants qui disparaissent, je travaille conjointement avec la police locale et les parents pour m’assurer qu’ils retournent au collège. Si je pouvais convaincre les représentants municipaux pour qu’ils s’inspirent des travaux d’ATD Quart Monde, je suis sûr qu’il se produirait un changement dans la communauté, que ces jeunes filles et garçons qui disparaissent retourneraient à l’école.
J’ai gagné quelque chose. Autant pour moi que pour les familles, cela supposait de la souffrance d’être sollicité par les professeurs pour contribuer économiquement, ou de voir comment les professeurs punissaient les enfants, toutes ces choses étaient douloureuses pour moi. Mais grâce à notre nouveau président, le Dr. Magufuli, qui a éliminé toutes ces choses de l’école, comme les contributions économiques et les punitions, maintenant les enfants peuvent étudier en paix.
Qu’avez-vous appris ?
Alloyce Benjamin Chija: Ce que j’ai appris, c’est qu’il faut sensibiliser et promouvoir l’importance de l’éducation. En tant que nation, si tu veux prospérer, tu dois valoriser l’éducation. Aussi, j’ai appris qu’ATD Quart Monde est présent partout dans le monde et que son slogan « Agir Tous pour la Dignité » est réel, étant donné que ce que nous faisons, nous le faisons en incluant tous les autres. Une autre chose que j’ai apprise est que tout ce que tu fais ne doit pas forcément recevoir une contrepartie économique, la manière d’agir avec ATD Quart Monde se fait au travers d’un réel compromis individuel et non à la recherche d’un bénéfice personnel. Pour faire en sorte que l’égalité dont nous parlons puisse toucher toute la communauté.
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Le Projet d’étude Éducation Pour Tous et son Bulletin sont soutenus par l’UNESCO