Intervention de Faustin Ndrabu Membre du Mouvement ATD Quart Monde République Démocratique du Congo

Stratégies pour se défendre et se protéger de la violence. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012

Bonjour, je m’appelle Faustin NDRABU. Je viens de la République démocratique du Congo.
Dans mon quartier, il y a une femme qui, après avoir perdu son mari, a été accusée par sa belle famille d’être une sorcière qui a tué son propre mari. 
A partir de cette accusation, elle a été chassée du domicile conjugal avec ses enfants.
Les enfants étant refusés et reniés par la famille paternelle, n’ont plus eu droit à l’héritage de leur père.

Quelque temps après, la dame a repris du courage. Ce qui lui a permis de poursuivre ses activités de vente des fruits. Elle est parvenue à se payer une petite parcelle de terrain avec le peu de bénéfice qu’elle gagnait.

Vu qu’elle n’avait pas les moyens de mettre cette parcelle en valeur tout de suite, le précédent propriétaire s’est permis de la revendre à une autre personne. Il a profité de la situation de précarité et de solitude menée par cette dernière pour la rendre encore beaucoup plus malheureuse. Il a réalisé que toute seule, la dame veuve n’allait pas être à mesure de défendre ses droits.

Mais de l’autre côté, pour réclamer son droit, la dame, dans un premier temps, a décidé de recourir à des méthodes violentes : c’est-à-dire, elle a profané des graves injures à l’encontre du propriétaire. En suite, elle a décidé d’aller passer des nuits avec son fils ainé dans sa parcelle en lançant des cris de colère. Cette attitude de la femme a fait que les voisins de la parcelle soient alertés. Certains se sont intéressés de plus près du problème, en venant vers elle.
Ces injures, ces cris de colère et de désespoir qu’elle a lancé à ce monsieur, ont été le fruit de toutes ces séries de violences que cette dernière a subi au fond d’elle depuis le décès son mari.
Cette manière d’agir, c’était son unique moyen de faire pression à ce monsieur et à l’entourage pour faire entendre sa voix et ses souffrances.

Face à cette injustice, il y a de personnes qui ont pris du courage en disant « nous ne devons pas laisser cette dame continuer à mener toute seule son combat, nous devons la soutenir ». Finalement, avec cette pression, ce monsieur a accepté de remettre la dame dans ses droits, c’est-à-dire il lui a rendu de l’argent pour qu’elle aille chercher une autre parcelle ailleurs.

Mais, après avoir obtenu gain de cause et passé un temps d’intériorisation, la dame s’est rendue compte que les injures qu’elle a fait subir à ce monsieur, c’était quand même humiliants et trop lourds. En plus, elle ne trouvait plus une paix en elle, la paix du cœur. Un jour elle en a parlé à une autre personne en disant « j’ai envi d’aller demander pardon à ce monsieur, car je l’ai offensé aussi par des injures ». Ce qui lui a permis d’aller voir ce monsieur avec courage et elle lui a demandé pardon en ces termes : « Cher ami, je te demande pardon à cause de ces injures que je t’ai fait subir, car pour moi le fait de récupérer ma parcelle c’est bien, mais vivre en relation avec les gens c’est le plus important ».

Je vais vous partager une deuxième expérience qui montre comment les familles pauvres de mon quartier ont crée une association pour résister à la misère de la violence :

Dans mon quartier, il y a beaucoup de familles parmi les plus écrasées, plus fatiguées par la misère de la RD Congo. Ces familles n’ont personnes pour penser à elles.

Par ailleurs, dans mon quartier, il existe également un groupe d’enfants appelé les enfants Tapori. Tapori qui est en fait le courant mondial d’amitié entre les enfants de tous milieux.

Alors, inspiré par l’esprit de solidarité qui se remarquait au sein des enfants Tapori, une trentaine des familles pauvres de mon quartier se sont décidées de se mettre ensemble afin de partager leurs idées, discuter sur leurs problèmes et essayer de trouver des solutions ensemble. Le groupe en question s’appelle « Association familles solidaires de Burhiba ».
Même si la vie continue à être dure pour ces familles, mais le fait pour elles d’appartenir dans un groupe c’est important car ça leur permet de sortir de l’isolement et de briser le silence. Les membres du groupe s’initient petit à petit à prendre la parole dans le respect et la tolérance mutuelle et à surmonter la peur.

Pour Ces familles, la solidarité ne se limite pas seulement au niveau des paroles, mais elle se traduit petit à petit par des actes. Elles soutiennent un de leur à réparer sa maison, elles vont visiter des malades à l’hôpital, se visitent mutuellement.
Récemment, elles ont décidé d’unir leurs efforts pour réparer un pont qui était en très mauvais état au cœur du quartier. Par la même occasion, ils ont aménagé les sentiers du quartier.
A la fin du travail, un habitant du quartier qui est passé par là a dit « Vraiment quand on se met ensemble avec détermination, on est capable de beaucoup de choses ».

MERCI