Revue Quart Monde N°255 | Prendre soin

Trimestriel – n° 255 – 8 € – 10 FS – 11 $CAN
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Introduction

Par Martine Hosselet-Herbignat, volontaire permanente d’ATD Quart Monde

Prendre soin de soi, de ses enfants, de ses proches vieillissants est un défi. Chacun d’entre nous y est confronté et dépense beaucoup d’énergie pour le relever. D’où vient alors que les plus pauvres sont régulièrement accusés de manquer à cette obligation ? Accusés de ne pas prendre soin d’eux, ou de leurs enfants ? Ils ne se soigneraient pas, mangeraient n’importe comment, manqueraient à toutes les règles d’une saine hygiène de vie ?

Qu’en disent les études, en particulier celles menées en tenant compte du vécu et de la pensée des plus pauvres ?… Ce dossier est alimenté en grande partie par le travail du Laboratoire d’idées Santé d’ATD Quart Monde France1 et ses recherches sur l’« expérience patients », le « mal être » ressenti, l’impact du Covid-19 sur les plus pauvres.

  • Par ailleurs, alors qu’ils se trouvent le plus souvent en situation d’échec avec les personnes en très grandes difficultés sociales, comment les professionnels de la santé et du soin sont-ils formés pour développer leur capacité d’entrer en dialogue ?…

Les programmes Quart Monde Université et Quart Monde Partenaires, développés dès la fin des années 1990, proposent des formations croisées entre ces différents publics, qui visent à « humaniser à partir de l’altérité ». « Plus on est au fond du trou, moins on a confiance en soi, moins on a confiance dans les autres, et plus il faudra du temps pour la retrouver2».

En Espagne, les professionnels qui ont participé à ce programme reconnaissent leurs difficultés quand ils se trouvent dans ce face à face :

« La pauvreté révèle notre vulnérabilité. Parfois je me cache derrière ma blouse, mon stéthoscope, mes instruments de travail ; sans eux je me sens nue ».

Réfléchir nos systèmes de protection sociale pour assurer une Couverture Santé universelle (CSU) sans laisser personne de côté, est-ce possible ? Des expériences existent, sur lesquelles appuyer nos évaluations, à l’échelle de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, mais aussi aux États-Unis3 par exemple. Céline Deville nous rappelle à bon escient que la CSU n’est jamais totalement acquise et constitue un défi sans cesse renouvelé, y compris dans les pays industrialisés4. Odile Frank, ayant mené sa carrière dans plusieurs organismes internationaux, insiste : sécurité sanitaire et sécurité sociale sont indissociables, ce qui suppose très souvent d’agir à contre-courant et de surmonter les obstacles liés, entre autres, aux énormes différences entre les budgets nationaux des pays5. Faisons entendre la voix de ceux qui relèvent ce défi d’un Care qui améliore la santé et le bien-être de tous les humains.

Pour lire l’éditorial d’Isabelle Pypaert Perrin, cliquer ici

 

  1. Ce Laboratoire d’idées est constitué d’un groupe de personnes vivant ou ayant vécu dans la pauvreté. Créé il y a une quinzaine d’années, ce groupe a acquis au fil des années une expertise sur des questions concernant la protection de la santé, à la faveur des thèmes de travail pluriannuels, de la régularité et la continuité de ses rencontres. Des croisements avec l’expertise des professionnels et des institutionnels enrichissent la compréhension mutuelle et complètent le travail d’étude-action.
  2. RESPECTS 73, Le secret de l’usager. Ce qu’ils en disent, Actes du colloque, Chambéry 2016, 72 p. Voir l’article de Bruno de Goër en p. 47 de ce dossier.
  3. Voir l’article de Fanchette Clément-Fanelli, p. 10.
  4. Voir son article en p. 42.
  5. Voir son article en p. 14.

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