Un héritage de résistance

Photo : Mosaique, 2016 © ATD Quart Monde


Éditorial d’Isabelle Pypaert Perrin dans la Revue Quart Monde N°258 « Dévoiler les dimensions cachées de la pauvreté ».

Je garde en tête ces mots de Pape Mody engagé avec les enfants à Dakar :

« L’important pour moi, c’est de participer à la libération des autres. Je n’ai qu’un combat, c’est le refus de la misère. »

Pape Mody est un de ces jeunes qui a reçu en héritage de ses parents un monde d’humanité jailli du fond de la misère, pétri par des jours et des jours de refus d’être comptés pour rien. Enfant, il s’est imprégné de la sensibilité de ses parents, de leur courage, de leur regard sur ceux qui les entourent. Il a reçu au quotidien des leçons de vie : on ne peut pas baisser les bras, on doit gagner la vie jour après jour pour nos enfants, on n’abandonne pas ceux qui souffrent à côté de nous ! Parce qu’il participait enfant à la bibliothèque de rue dans son quartier, ses parents ont rencontré ATD Quart Monde. Ils y ont découvert qu’ils n’étaient pas seuls, qu’ailleurs dans le monde des personnes traversent le malheur avec au fond d’eux-mêmes la même lutte, le même refus que des êtres humains soient piétinés.

Cette dimension de la pauvreté – le sens de l’autre ancré au cœur de familles auxquelles le monde ne prête que peu d’attention – est restée cachée jusqu’à ce que Joseph Wresinski nous la révèle. Lui-même se situait comme héritier de ses parents, de sa mère, de son milieu. Interrogé par un journaliste en 1987 sur ce qui avait été gagné en 30 ans de combat, il répondait :

« Ce que nous avons gagné, c’est qu’une génération aujourd’hui sait que ses parents ont été des combattants contre la misère, une génération sait que ses parents ont lutté contre la misère et ne l’ont pas subie. »

Pape Mody n’est pas seul. Aujourd’hui d’autres jeunes s’engagent pour les leurs avec le Mouvement ATD Quart Monde en s’appuyant sur cet héritage. Ces jeunes ont en eux une source de connaissance précieuse à laquelle ils peuvent puiser en permanence pour discerner ce qui se passe, garder le cap difficile de la priorité aux plus pauvres et orienter les choix d’action.

Forts de cette histoire, nous pouvons lire la recherche sur les dimensions cachées de la pauvreté, pas seulement pour mieux déchiffrer la pauvreté mais pour inventer des combats et en finir avec la persistance de la misère.

Nous pouvons reconnaître aux parents en situation de pauvreté d’aujourd’hui un pouvoir d’agir sur lequel greffer nos actions. Il deviendra alors héritage pour leurs enfants et les générations futures.

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