Stacy White, militante à New York
Stacy White, militante Quart Monde à New York, vit dans le Bronx. Elle a six enfants, neuf petits-enfants et un arrière-petit-fils. Elle a créé une petite entreprise de vente de bijoux avec ses filles. Lorsque celle-ci sera suffisamment rentable, Stacy souhaite reverser les bénéfices à ATD Quart Monde pour soutenir les personnes en situation de pauvreté.
Dans cette interview, nous découvrons la vitalité et les racines de son engagement.
Comment as-tu rencontré le Mouvement ATD Quart Monde ?
J’ai découvert le Mouvement par l’intermédiaire d’Emma Speaks, qui est militante Quart Monde de longue date. Nous allons à la même église. Elle m’a proposé plusieurs fois de l’accompagner à la Maison Quart Monde de New York. Il a fallu un an et demi d’insistance de sa part, pour que finalement j’accepte son invitation et que je l’accompagne à une rencontre. Et quand j’ai rencontré tout le monde, je me suis dit « Wow ! ». Ça avait l’air merveilleux. À cette époque, j’étais introvertie, je n’avais pas beaucoup d’attentes pour l’avenir. Je ne suis pas quelqu’un qui aime la foule ou rencontrer de nouvelles personnes. Le changement, ce n’est pas mon truc. Mais là, j’ai aimé ce que j’ai entendu.
À quelles actions participes-tu ?
Le vendredi, je participe au Story Garden1 de Brownsville, bénévolement. Je fais également partie de l’équipe d’animation de l’Université populaire Quart Monde.
Je viens de terminer ma collaboration à un groupe chargé de désigner la prochaine Délégation générale du Mouvement international. J’ai participé à la formation au croisement des savoirs et à l’entreprise solidaire que nous développons à Brownsville. J’étais dans le groupe de soutien à l’enseignement à distance pour discuter les avantages et les inconvénients pour les enfants qui étaient scolarisés chez eux pendant la pandémie. J’ai pris part aussi au Festival des Savoirs. C’était un moment incroyable.
J’ai pris la parole à deux reprises aux Nations unies. La première fois, le 17 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. J’ai parlé de mon expérience personnelle de la pauvreté, de l’endroit où j’ai grandi, de mes passages en maison d’accueil, de ce que j’ai appris d’ATD Quart Monde et des actions que je mène maintenant. La deuxième fois, j’ai parlé de la façon dont j’ai réussi à sortir du système d’accueil et de ce que j’ai réalisé ensuite par mes propres moyens. J’ai également participé à la plénière d’une conférence sur les priorités budgétaires et politiques pour l’aide temporaire aux familles dans le besoin, à Washington DC.
Pourquoi as-tu choisi de t’engager avec ATD Quart Monde ?
J’ai commencé à m’impliquer parce qu’on m’a demandé si je voulais le faire. Des personnes sont venues me proposer d’apporter ma contribution alors qu’elles ne me connaissaient pas très bien. On m’a demandé si je voulais donner un coup de main et je l’ai fait parce que je voyais que ça aidait vraiment les autres. Et en fait, ça m’aidait moi aussi, j’apprenais beaucoup en le faisant.
Je suis restée et je continue parce que je voudrais que d’autres personnes puissent bénéficier de ce que le Mouvement m’a apporté. C’est quelque chose qui te donne la force d’affronter le monde.
Les membres du Mouvement m’ont tendu la main et j’ai pensé, «C’est dingue, ils se soucient vraiment de moi ». Ce sont des gens prêts à te soutenir, à t’apporter l’assurance dont tu as besoin. Ils sont toujours disponibles pour écouter. Ils te tendent la main. Ce ne sont pas seulement des paroles en l’air et puis on en reste là. Dans le Mouvement, on est réellement à votre écoute.
Je souhaite que d’autres personnes aient l’opportunité de faire la même expérience que moi. Trouver sa propre voix, savoir qu’on a des droits. Maintenant, je sais ce qui est juste et ce qui ne l’est pas dans la manière dont on est traité. C’est ce que je veux que les autres sachent.
ATD Quart Monde est comme le vent dans mes ailes. Je peux voler. Les gens me disent : « Mais Stacy, tu as toujours été forte ! ». La plupart du temps, je l’étais parce que je devais l’être. Je n’étais pas vraiment moi-même, je faisais semblant. C’était un masque. Depuis que je suis dans le Mouvement, le masque est tombé. Je me suis ouverte avec beaucoup de sincérité, et à présent je me sens plus forte, forte de tout ce qui traverse cette communauté-là. Je veux que d’autres personnes puissent ressentir la même chose, je veux partager cette énergie. Ça me donne envie d’en faire plus. Ma motivation pour aider les personnes en situation de pauvreté a redoublé.
Quels ont été les moments forts de ton engagement ?
Mon expérience la plus marquante, aussi effrayante qu’elle ait pu être, a été mon intervention à l’ONU le 17 octobre. C’était un défi pour moi. Venir là et parler devant un groupe de personnes que je n’avais jamais vues, qui ne me connaissaient pas non plus, mais qui allaient m’écouter, c’était vraiment un défi énorme. Je me disais : « Je vais être là, je vais raconter mon histoire et les gens vont m’écouter. » Aussi nerveuse que j’aie pu être, j’étais déterminée. C’était une sensation incroyable. Je voulais que les gens entendent, perçoivent à ce moment-là l’image réelle de la pauvreté.
Les personnes qui ne m’ont pas entendue parler ont cru que je faisais partie du public de l’ONU. C’est un préjugé sur ce à quoi ressemble la pauvreté. Quelqu’un m’a dit : « Vous avez l’air riche. » La robe et les chaussures que je portais venaient de l’église. Peut-être que je rayonnais.
Tout ce que je fais au sein d’ATD Quart Monde, je le fait connaître à l’extérieur. Je dis aux gens que je rencontre ce que je fais avec le Mouvement et je les invite à nous rejoindre. Que ce soient des familles en situations de pauvreté, des personnes dans le train, à l’église, je laisse aussi des tracts dans les magasins….
Qu’est-ce que tu rêves de faire ?
Je voudrais que le Mouvement soit plus visible pour que tout le monde puisse le connaître. Qu’on le rende visible dans les bus, sur les panneaux d’affichage, dans les écoles, dans les associations de parents d’élèves, chez le médecin, dans les services de soins et d’accueil… Partout ! Je rêve de publicité pour ATD Quart Monde. Le Mouvement doit être là, présent à tous.
Je rêve que le Mouvement soit connu dans le monde entier. Beaucoup de familles en situation de pauvreté ne connaissent pas encore ATD Quart Monde ni ce que nous faisons. Nous devons leur dire qui nous sommes, ce que nous faisons et que davantage de personnes s’engagent pour qu’on sorte de la misère. Faire savoir aux familles en situation de pauvreté que nous sommes là, qu’elles peuvent venir, qu’elles peuvent parler, que c’est un espace sûr où elles peuvent dire ce dont elles ont besoin, ce qu’elles traversent.
La plupart du temps, d’ailleurs, on a besoin de rien. On vient juste pour se parler. L’Université populaire m’a beaucoup aidée. Nous portons des choses à l’intérieur de nous et, lorsque nous en parlons, c’est comme quand on épluche un oignon, ça se détache de nous. C’est une sensation formidable. Je peux lâcher une couche après l’autre, la laisser partir. Tant de gens voudraient que les choses aillent vite. Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe. On peut aider les gens sur leur propre route. Je suis prête à le faire.