5 recommandations pour la conférence de Bonn sur le climat
Les pertes et les dommages causés par les changements climatiques augmentent rapidement. Il est urgent d’agir et d’élaborer des mesures qui contribuent à l’éradication de la pauvreté.
Les personnes vivant dans l’extrême pauvreté et leurs communautés à travers le monde sont les premières et les plus durement touchées par les effets du changement climatique. Elles sont pourtant les moins responsables de ses causes1 et ont le moins de moyens pour se protéger de ses effets. Alors que les plus riches de chaque pays ont la capacité de s’adapter sans soutien financier, un pourcentage important de la population mondiale est incapable de réparer les dommages matériels et immatériels causés par ces événements. Leurs souffrances personnelles causées par les récents événements climatiques extrêmes (cyclones, tornades, inondations, sécheresses, canicules, incendies de forêt, etc.) signifie qu’ils doivent être au centre de l’action climatique.
Changements climatiques et pauvreté
Un exemple de la réalité vécue par les personnes en situation de pauvreté et de déplacement climatique en République démocratique du Congo :
A l’instar de la République démocratique du Congo, les aléas climatiques frappent durement la population à faible revenu. La perte d’habitat et de terres cultivables est une réalité qui se vit entre autres à Uvira une cité de 126 km de la ville de Bukavu, où, depuis avril 2020, les inondations de la rivière Mulongwe ont contraint de nombreuses familles à se déplacer. En 2024, la situation s’est encore détériorée avec la montée des eaux du lac Tanganyika, affectant les camps de déplacés de Kanvivira et forçant les familles qui avaient échappé aux inondations à se déplacer à nouveau pour se remettre à l’abri.
À Kalehe, la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire de la République Démocratique du Congo a eu lieu en mai 2023 quand les pluies torrentielles ont dévasté le village de Bushushu et Nyamukubi, causant la mort de plus de 582 personnes, plus de 6066 personnes disparues, laissant derrière des enfants orphelins, séparés ou non accompagnés, ainsi que des personnes handicapées et traumatisées. Les dommages extrêmes ont touché le logement, la santé, l’éducation, les infrastructures, l’agriculture, la pêche et l’élevage.
La situation reste alarmante à Kalehe qui est marquée par la présence de familles vivant depuis plus de dix ans dans le Camp d’Ihusi suite à une catastrophe naturelle en 2014, à laquelle s’ajoute maintenant la catastrophe de 2023.
Les aléas climatiques compromettent gravement l’avenir des enfants et condamnent leurs familles à une misère profonde, entraînant la perte de biodiversité, de richesse culturelle, de terres ancestrales, de bétail et de cultures agricoles, et privant les familles de droits élémentaires.
Conférence de Bonn sur le climat
À l’occasion de la prochaine Conférence des Nations Unies sur le climat à Bonn (SB60), une délégation d’ATD Quart Monde tentera de donner de la visibilité à la réalité des pertes et dommages subis par les personnes les plus marginalisées et discriminées à travers le monde, en garantissant que l’éradication de la pauvreté soit incluse dans les décisions sur le climat prises par les gouvernements.
Les institutions nationales, régionales et internationales se sont engagées à prévenir, minimiser et traiter les pertes et dommages liés au climat d’une manière ouverte, inclusive et non normative. Au sein d’ATD Quart Monde, nous pensons que, pour ce faire, il est important de :
- Permettre aux personnes en situation de pauvreté de faire face et surmonter les pertes et préjudices qu’elles subissent.
La meilleure façon d’y parvenir est de mettre en œuvre dans les différents domaines concernés par les pertes et les dommages un processus de participation qui les implique en tant que parties prenantes et partenaires pour garantir que les actions prises pour faire face aux pertes et dommages répondent à leurs besoins.
Un exemple de bonne pratique en ce sens serait l’outil pour l’élaboration et l’évaluation inclusives et délibératives des politiques (IDEEP), un outil créé par le Mouvement international ATD Quart Monde en partenariat avec le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. Cet instrument vise à guider les décideurs pour assurer une forte participation à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation de projets ou de politiques ayant un impact sur les personnes en situation de pauvreté.
- Éviter les pertes et les dommages futurs causés par le changement climatique, ce qui signifie agir dès maintenant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au changement climatique.
Pour que cela devienne une réalité, il est urgent de mettre en place des mesures qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre, en accordant toujours une attention particulière et en impliquant les personnes et les communautés vivant dans la pauvreté. Une transition juste, respectueuse des conditions de vie, de la culture et de la dignité de chacun, est le moyen de réduire les conséquences dramatiques du changement climatique.
Les États se sont mis d’accord (dans le Dialogue de Glasgow de 2021) pour que les mesures de transition justes prennent en compte l’éradication de la pauvreté, ainsi que la création de travail décent et d’emplois de qualité. Maintenant, c’est le moment d’appliquer ces engagements communs.
Pour être sûr que les personnes vivant dans la pauvreté ne soient pas laissées pour compte, les mesures et décisions prises par les États à la Conférence de Bonn doivent tenir compte de ces cinq recommandations :
- Accorder une attention particulière aux 20 % les plus pauvres afin de s’assurer que personne ne soit laissé de côté;
- Élaborer, mettre en œuvre et évaluer les projets et politiques avec les personnes en situation de pauvreté;
- Veiller à ce que le financement du changement climatique se concentre sur les populations en situation de vulnérabilité et particulièrement celles en situation de pauvreté;
- Mettre en place, et améliorer les socles de protection sociale dans tous les pays pour lutter contre les privations sociales et matérielles et les revenus insuffisants et précaires;
- Veiller à ce que les personnes en situation de pauvreté puissent bénéficier d’une formation, d’emplois de qualité et d’un travail décent dans le cadre d’une économie respectueuse des personnes et de la planète.
ATD Quart Monde appelle toutes les institutions internationales et nationales, les gouvernements, les autorités locales, les entreprises, les ONG et les citoyens à inclure ces propositions dans les engagements de la prochaine Conférence de Bonn.
Si on réduit les gaz à effet de serre avec des mesures qui contribuent à l’élimination de la pauvreté, on réduira les impacts du changement climatiques pour toute la population.
Si on permet aux personnes en situation de pauvreté de surmonter les pertes et dommages on permettra à toute la population de surmonter les pertes et préjudices.
Si on permet aux personnes en situation de pauvreté de s’adapter au changement climatique on permettra à toute la population de s’adapter au changement climatique.
Si on permet aux personnes en situation de pauvreté de sortir de la pauvreté, il n’y aura plus jamais de risque pour les personnes de se retrouver en situation de pauvreté.