A Ravensbrück, un hommage rendu à deux résistantes et compagnes de captivité, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle Anthonioz
A Ravensbrück, pour le 70e anniversaire de l’ouverture du camp, un hommage public a été rendu le 19 avril à Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle Anthonioz, en présence de Louis Besson, ancien Ministre du logement, de Pascale Boitard, Secrétaire d’État aux droits des femmes, d’Isabelle Anthonioz Gaggini (fille de Geneviève de Gaulle), de Geneviève Zamanski Bonnin de “l’Association Germaine Tillion”, et d’une assemblée nombreuse parmi laquelle des membres d’ATD Quart Monde venus de France et d’Allemagne.
L’exposition “Femmes d’avenir” ( ’Woman of tomorrow’ / ’Frauen von Morgen’) a été inaugurée. Des extraits du livre “La Traversée de la nuit [1] / Durch die Nacht » où Geneviève de Gaulle relate son internement à Ravensbrück (février 1944 à février 1945) ont été lus avec beaucoup de force et d’émotion en français et en allemand par des lycéens.
Christine Béhain, volontaire permante d’ATD Quart Monde et ancienne secrétaire de Geneviève de Gaulle à la Présidence, était présente. Elle raconte :
“Ce n’est pas sans émotions et angoisse que j’ai accepté l’offre de François Phliponeau, volontaire à la Photothèque du Centre International Joseph Wresinski, de venir me prendre à La Haye pour aller ensemble au 70 ans de la libération du Camp de concentration de Ravensbrück, en Allemagne. François transportait dans sa voiture la partie de l’exposition “Femmes d’avenir” consacrée à Geneviève de Gaulle Anthonioz et Germaine Tillion. Une exposition qui a tout son sens, car ces deux femmes ont toujours été tournées vers l’avenir, vers la construction d’un monde plus humain, marquées comme elles l’avaient été par toutes les camarades qui n’y avaient pas réchappé.
Geneviève m’avait plusieurs fois partagé son expérience dans les camp ainsi que la fraternité qu’elle avait éprouvée dans ces épreuves. Aussi, le fait que j’aille sur les lieux du camp allait me confronter de visu à cette réalité “qu’il faut accepter de voir, afin de ne pas en prendre son parti” (ce sont les mots de Geneviève).
En ce qui me concerne, j’ai aussi fait ce passage, pendant ces trois jours sur le camp de Ravensbrück. J’ai médité sur les photos, senti la détresse des lieux, mais j’ai aussi grâce aux interventions diverses que nous avons pu entendre, senti la force de la détermination de l’engagement. C’est tout le sens d’un mémorial : non seulement rappeler, mais le faire d’une telle manière que cette mémoire puisse être agissante aujourd’hui. Mascha Join-Lambert, volontaire permanente d’ATD Quart Monde qui a organisé cette exposition à Ravensbrück, me disait “Geneviève n’a jamais voulu revenir” et qu’il ne faut pas rester sur cette horreur. C’est une confrontation à la mémoire, à une période de l’histoire tellement horrible que l’on préférerait l’occulter. Mais justement notre devoir est de rappeler, de se confronter à cette horreur impensable, à l’inhumanité qu’ont endurée plus de quarante mille femmes de l’Europe, afin d’ancrer ce “refus de l’inacceptable” dans nos vies et nous engager toujours plus à œuvrer pour l’humanité.
Geneviève n’a jamais désespéré de l’humain. Elle disait, comme le rappelle Monsieur Besson dans son discours, que l’important était “l’attitude du veilleur d’espoir”. Même dans les bourreaux, elle cherchait toujours à déceler les traces de leur “ressemblance avec Dieu”. Cela s’accorde pleinement avec mes propres souvenirs de Geneviève.
Germaine et Geneviève ont été des résistantes toute leur vie, l’une par l’usage de la science, l’ethnologie, l’autre par sa connaissance des rouages de la politiques et sa pugnacité dans son combat auprès du père Joseph Wresinski fondateur d’ATD Quart Monde.
Quel est le lien entre Geneviève de Gaulle et Joseph Wresinski ? Un jour, une de ses amies, Madame de Briançon, lui propose de rencontrer le père Joseph Wresinski. Arrivée dans le camp de Noisy le Grand, c’est le choc. Elle y retrouve les regard éteints qu’elle avait vu à Ravensbrück, l’odeur des vêtements mal lavés, mal séchés : “C’était mon odeur” dit-elle dans le film le chemin d’Espérance de Claire Jeanteur [2]. Elle y retrouve l’inhumanité qu’elle avait cherché à laisser au passé. Tout revient en bloc. Elle ne peut en prendre son parti. Elle propose tout de suite ses services au père Joseph Wresinski. C’est le début d’un long engagement au sein du Mouvement ATD Quart Monde, dont trente quatre ans en tant que Présidente d’ATD Quart Monde en France.
La dernière fois que j’ai vu Geneviève peu de temps avant qu’elle ne nous quitte, je voulais l’honorer en lui assurant que je continuais le combat. De son lit de malade, si frêle et si forte à la fois, elle eut cette phrase d’ultime Résistante : “Mais, moi aussi !” m’a-t-elle répondu avec un beau sourire.”
[1] la Traversée de la nuit, ed. Seuil, 1999
[2] « Geneviève de Gaulle, le chemin d’espérance » à voir en rediffusion