Les avancées de la recherche sur les dimensions de la pauvreté en Bolivie
En Bolivie, des personnes vivant en situation de pauvreté, des étudiants, des professionnels et des personnes issues du monde de l’éducation travaillent ensemble depuis plus d’un an à El Alto, La Paz, Huanuni, et dans le village de Hornuni, pour constituer une liste regroupant différentes dimensions de ce qu’est la pauvreté. À travers ces travaux, ces personnes participent à un projet mené au niveau international, par le Mouvement ATD Quart Monde et l’université britannique d’Oxford. Actuellement, une délégation de Bolivie est présente au séminaire à Villarceaux (France) qui regroupe les six équipes impliquées dans la recherche.
Cette recherche vise à poser des bases permettant d’établir et d’utiliser des indicateurs de mesure de la pauvreté plus efficaces et plus proches de la réalité. Tous les pays participants – le Bangladesh, la Bolivie, les États-Unis, la France, la Tanzanie et le Royaume-Uni – utilisent la méthodologie du croisement des savoirs afin de créer les conditions nécessaires à une pleine participation des personnes qui vivent en situation de pauvreté, en collaboration avec d’autres personnes issues de réalités totalement différentes.
En Bolivie, l’équipe nationale en charge de la recherche est composée de quatre personnes qui ont directement fait l’expérience de la pauvreté, une professeure d’université, une professionnelle et deux coordinateurs, qui ont toutes été formées ensemble à la méthodologie du croisement des savoirs au cours de l’année 2017. Entre les mois d’avril et juin 2018, cette équipe a mis en pratique tout ce qu’elle avait appris pendant la formation, et elle a animé les travaux réalisés par un collectif réunissant au total dix-sept groupes de pairs, autrement dit, des groupes de personnes qui vivent les mêmes réalités.
Les mêmes techniques de recherche ont été utilisées par chacun de ces groupes de pairs pour, dans un premier temps, essayer d’établir une relation de confiance, et à partir de là, permettre aux chercheurs de partager leur connaissance de la pauvreté, en s’appuyant sur la réalité dans laquelle ils vivent, et sur ce qu’ils ont acquis pendant la formation. Huit de ces groupes de pairs ont été constitués de personnes qui vivent ou ont vécu la pauvreté, voire l’extrême pauvreté. Et dans les neuf autres groupes, on trouvait notamment des professeurs d’écoles primaires et secondaires, des étudiants, des professionnels issus de différents domaines, ainsi que des professeurs d’universités engagés, par ailleurs, dans des recherches économiques et sociales.
Ces groupes de pairs sont parvenus à trouver le meilleur chemin vers un consensus, et ils ont fourni à l’équipe nationale de recherche les listes de dimensions de la pauvreté qu’ils avaient établies. Chacune de ces facettes présentait une proposition de titre, une brève description et une série de caractéristiques.
Le premier défi pour l’équipe nationale de recherche fut d’analyser ces dix-sept listes. Pour ce faire, les membres de l’équipe qui avaient eu une expérience directe de la pauvreté ont analysé de leur côté les travaux des huit groupes de pairs qui partagent la même réalité qu’eux, et ont constitué une seule liste réunissant les différentes dimensions proposées. De même, les membres de l’équipe qui, eux, n’ont pas eu cette expérience directe de la pauvreté, ont analysé les travaux des neuf autres groupes, ceux des pairs qui partagent la même réalité qu’eux, et ils ont élaboré une liste des différentes dimensions qui en ressortaient. Ainsi, à partir de ces dix-sept listes d’origine, deux listes de dimensions de la pauvreté ont été dressées pour servir de base à la poursuite des travaux. Défi relevé !
Le second défi était de fondre toutes ces informations en une seule liste de dimensions qui présenterait les données les plus importantes et les informations indispensables présentées dans les dix-sept listes d’origine. Dans cet objectif, il a fallu travailler et utiliser davantage la méthodologie du croisement des savoirs. L’équipe s’est donc parfois divisée en deux pour confirmer ses idées et ses réflexions séparément, à d’autres moments, elle s’est réunie pour croiser les différentes analyses, et finalement, elle a réussi à atteindre son objectif : une liste des différentes dimensions de la pauvreté présentes en Bolivie.
Enfin, du 29 juin au 1er juillet 2018, un séminaire de croisement des savoirs a été organisé, réunissant 32 participants issus des dix-sept groupes de pairs et assurés de pouvoir participer à une étude participative du début à la fin. L’objectif de cette rencontre était d’apporter une conclusion au processus de construction collective et de validation de la liste des dimensions, en la comparant à la réalité bolivienne, et de trouver, entre elles, des relations naturelles. Cet événement n’a fait que mettre en lumière une évidence sur laquelle ATD Quart Monde travaille depuis des années dans le domaine de la recherche sociale : tout le monde, chaque individu, peut être un acteur dans la construction d’une étude s’il s’engage à comprendre le point de vue de l’autre, mais surtout si l’on est capable de créer, ensemble, les conditions nécessaires à l’expérience d’un véritable croisement des savoirs et des pratiques.
Quelles sont maintenant les perspectives ?
L’équipe nationale de recherche de Bolivie apportera cette proposition finale avec des dimensions de la pauvreté présentes en Bolivie, et participera aux travaux de comparaison avec les listes des dimensions des cinq autres pays participant à cette étude internationale. Ainsi, en collaboration avec l’université d’Oxford, des décideurs, des organisations gouvernementales et non-gouvernementales, et, comme toujours, des personnes qui vivent ou ont vécu une expérience directe de la pauvreté, pourront s’engager dans la construction de nouveaux indicateurs permettant de mesurer la pauvreté, qui soient applicables au niveau mondial.
Ce projet présente un potentiel remarquable dans la lutte contre la pauvreté, et il ne fait aucun doute qu’il fera de nouveau parler de lui très prochainement.