Comment préserver sa santé mentale ? Des citations de l’Université Populaire au Luxembourg
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Au Luxembourg, plusieurs fois par année, l’Université Populaire Quart Monde réunit des personnes en situation de pauvreté et celles qui s’engagent à leurs côtés dans la Maison Culturelle Quart Monde à Luxembourg-Ville.
Fondée en 1972 par Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, l’Université Populaire Quart Monde repose sur la reconnaissance de l’expérience de vie des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale ; expérience de vie qui est source de savoir.
Au début des années 70, le Mouvement organisait des conférences sur la misère ouvertes à tout public et données par des conférenciers reconnus. Invitées à ces soirées, des personnes de milieu défavorisé venaient écouter, mais n’osaient pas s’exprimer, tout en faisant par après leurs commentaires sur ce qu’ils avaient entendu.
Joseph Wresinski, très à l’écoute, s’aperçut qu’il fallait inventer un autre type de rencontres: un réel dialogue entre les plus pauvres et des personnes qui ont d’autres trajets de vie demande des conditions précises (en termes de préparation, d’animation, de relations entre les groupes en présence,…).
Donner la parole à des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale est une nécessité pour bâtir une société plus juste.
Cela demande une démarche de se laisser questionner par ce que vivent et expérimentent les personnes en situation difficile, ce qui favorise aussi des prises de conscience et construit un savoir commun.
Au Luxembourg, c’est depuis 1982 que cette action, qui existe également dans d’autres pays, a une place importante au sein du Mouvement.
L’Université Populaire Quart Monde dont nous vous parlons dans cet article a eu lieu le 8 décembre 2023 en présence de Madame Christine Lejeune de la Ligue Luxembourgeoise d’Hygiène Mentale et avec le soutien de Madame Muriel Nossem, conteuse d’histoires, qui a enrichi les témoignages et discussions avec 2 histoires passionnantes pour illustrer les réflexions.
3 réunions de préparation nous avait préparé à cette rencontre très forte en témoignages et partages d’expérience autour du thème de la « Santé Mentale », comme le montre les citations suivantes. Laquelle vous interpelle le plus ?
Dans un premier temps, nous avons parlé de ce qui influence notre santé mentale.
Pourquoi ne nous sentons-nous pas bien dans notre mental/moral, sans souffrir d’une maladie mentale pour autant ?
Le deuil, la solitude, le combat quotidien pour lutter contre la pauvreté et pour faire valoir ses droits, le harcèlement, les sentiments de culpabilité et l’insomnie ont été cités, mais aussi les saisons, le climat :
« En tant que mère je fais mon deuil autrement. Chez moi cela ne partira de toute façon jamais. Il y a toujours quelqu’un qui manquera. Cela ne disparaîtra jamais. Ça s’atténue. La vie est belle malgré tout. La vie doit continuer, même si mon fils me manque. »
« Après le décès de mon mari, j’ai vécu 8 jours sans savoir comment j’ai vécu. Je n’ai fonctionné que pour mes enfants. Une semaine après, je me suis effondrée. Je ne sais toujours pas ce qu’il y a eu durant cette semaine.»
« Depuis que j’étais à l’école maternelle, je suis harcelée, parce que je ne correspond pas à l’image que les autres attendent de moi. »
« Lorsqu’on a des amis qui vont mal, cela nous tire vers le bas, cela nous rend vulnérables. »
« Personne ne me parle. Je suis toujours seul. Je dois veiller sur moi. »
« Dans notre culture, il faut être beau, parfait, en bonne santé. Lorsqu’on est malade, on n’est plus intéressant. »
« L’altruisme a disparu. Il n’y a plus assez de contacts informels et spontanés. Les gens n’osent plus se rendre visite, ils communiquent par téléphone. »
« Avoir raison, mais ne pas pouvoir faire reconnaître qu’on est dans son droit rend malade. Tu dois te battre. Tu ne trouves jamais de répit. »
« Je n’aime pas l’automne et l’hiver, car il fait noir plus tôt. Lorsqu’il pleut je préférerais rester dans mon lit. »
« C’est comme si la nature devenait elle-aussi dépressive, parce que les hommes la détruisent. La nature a aussi une vie. Elle appelle à l’aide. »
« Cela fait un bon bout de temps que je n’ai pas dormi. Lorsque je suis en colère, que je suis victime d’injustices à mon égard, je ne dors plus. Je n’arrive pas à me débarasser de cette colère. Je prends des somnifères depuis quelques jours et je dors un peu mieux. »
« On m’a toujours culpabilisée, lorsque j’étais petite. C’était toujours de ma faute. Cela continue aujourd’hui. Je ne culpabilise pas les autres, je me culpabilise. »
Qu’est-ce qui peut nous aider à nous sentir mieux?
Se rendre chez un psychologue ou psychiatre peut comporter des obstacles : listes d’attentes, attitudes de certains professionnels, peur ou manque d’explication adéquate des effets positifs et secondaires de la médication, …
« Les psychologues me demandent toujours de parler de mon passé et prennent des notes. Mais je n’ai pas envie de tout leur raconter. Ils réouvrent et remuent la plaie. Je ne veux plus cela. Je veux aller de l’avant et laisser le passé derrière moi. »
« Les médecins ne nous écoutent pas vraiment. Le plus rapide est le mieux. »
« Aujourd’hui j’ai du mal à faire confiance. En ce qui concerne les psychologues, je préfère m’adresser à des personnes que je connais depuis longtemps et auxquelles je peux parler. »
« J’ai demandé de l’aide. Je me rends en clinique de jour, la régularité me fait du bien. En parler fait du bien. »
« Avec les médicaments, je me suis retrouvée à quatre pattes. On ne peut plus se défendre. Personne ne peut se l’imaginer. Ils vous donnent des médicaments, mais pas d’encouragement. »
« Avec les pilules tout t’est égal. Lorsque la situation était passée, je suis retournée dans la vie normale. »
« Les gens hospitalisés dans des unités fermées ne devraient pouvoir sortir que s’ils acceptent un suivi. Il existe des suivis à domicile. Mais si les patients refusent? Alors tout recommence depuis le début après leur sortie. »
Mais nous avons surtout évoqué les ressources et les forces que chacun peut puiser en soi. Une famille soudée, mais aussi de bons amis sur lesquels on peut compter ; de bons liens avec le voisinage sont une richesse, un soutien, une écoute. Il a été question du besoin de chaleur humaine, d’un refuge, de sécurité, de la difficulté à faire confiance, du temps qu’il faut se laisser.
« Il faut entretenir l’amitié. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Lorsque l’une de nous va mal, elle téléphone aux autres et nous nous rencontrons pour aller nous promener, ou pour faire autre chose. J’ai beaucoup de joie et de bons moments. Nous nous entendons bien et nous en avons besoin.
Lorsque j’étais malade, mon amie est venue et m’a préparé une soupe aux légumes.
L’amitié c’est se changer les idées, être disponible, faire des gâteaux. »
« Lorsqu’on est malade, il ne faut pas abandonner, se laisser aller. »
« L’être humain a besoin de temps pour se construire petit à petit. »
« Il faut lâcher prise et laisser le passé derrière soi, ne pas ruminer. »
« Je me lève tôt le matin, avant mon fils. Lorsqu’il se lève, les lumières sont allumées. Je lui donne un sentiment de sécurité, je l’accompagne. J’aime le faire. Cela me fait du bien. Je suis contente s’il est content. Je lui donne ce que je n’ai pas reçu. Je lui donne le sentiment de sécurité. J’en donne aussi à ma fille. Nous sommes soudés. Une famille! (Geborgenheit) »
Une occupation manuelle, artistique, la musique, un animal de compagnie renforcent également notre santé mentale.
« J’ai besoin de m’occuper, par exemple dessiner, bricoler. J’aime chanter. La musique est importante. La musique c’est ma thérapie. Lorsque je suis seule, je me cache derrière mon GSM, cela me rassure, me change les idées. J’aime bien regarder des films ou des séries le soir. »
« Je joue de la guitare, j’ai toujours mes écouteurs. Je vis seul. »
« Je pensais que je ne savais rien faire. J’ai droit à l’éducation, droit à l’art. Avec le projet collectif d’ATD je me sens utile. Je me suis sous-estimée, et j’ai été sous-estimée. »
« Mon chien me donne de la force. Lorsque j’ai des soucis, je lui parle. Je sors beaucoup, je rencontre des gens, c’est bien. Cela me donne de la force. Sans mon chien je ne me serais pas levée ce matin. »
Pour en savoir plus sur les Universités Populaires au Luxembourg, visitez le site d’ATD Quart Monde au Luxembourg.