« Sans la confiance, je n’aurais jamais ouvert ma porte »

En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue.
L’histoire qui suit a été écrite par Gérard (Pays-Bas).

J’ai appris qu’on ne peut pas rester seul. Si on travaille ensemble, il se passe alors une sorte de réaction nucléaire où de plus en plus de personnes se mettent en mouvement.

Il y a onze ans, notre famille avec trois enfants a déménagé de La Haye à Zoetermeer. Notre nouveau quartier n’était pas bien considéré et les policiers intervenaient dans les bagarres. Nous avons été jalousés car c’était nous qui avions obtenu le logement de la ville et non pas le membre d’une famille du voisinage.

Depuis notre arrivée, nous étions traités de « famille asociale » et nos enfants de « têtes à poux ». Mais notre famille a gardé le silence.

Ma voisine, Wilma, très dure avec nous au début, a été la première à venir à notre rencontre. Elle ne supportait plus que ma famille soit si mal traitée. Un jour, elle m’a demandé si je voulais l’aider à organiser une activité pour les enfants en vue d’Halloween.
J’ai d’abord refusé à cause du regard envers nous dans le quartier et des querelles entre voisins. Quand elle a insisté pour que je participe, j’ai finalement dit oui, surtout parce qu’elle m’avait expliqué qu’elle espérait que cette activité permettrait d’améliorer les relations entre voisins.
Ce fut une réussite. Suite à cette fête, les habitants du quartier ont décidé de créer un comité de quartier nommé « les Ruifjes », comme le nom de notre rue. Le but était de relier les gens et d’apprendre à mieux se connaître. Je me suis immédiatement mis à la disposition du groupe. Des années ont passé, et aujourd’hui nous organisons aussi la journée des voisins, des actions créatives quand le temps est agréable et à Noël nous avons l’élection du jardin le mieux décoré.

L’image négative du quartier a disparu progressivement et notre famille a été de plus en plus acceptée dans le quartier.

Par mon expérience de l’exclusion, j’ai toujours essayé d’attirer l’attention sur les personnes qui n’ouvrent pas leur porte. Je suis attentif à ceux qui cachent leur pauvreté ou aux personnes sur lesquelles on parle mal.

Je suis aussi militant d’ATD Quart Monde. Dans les rencontres organisées au centre national d’ATD Quart Monde, à la ferme  ’t Zwervel à Wijhe, nous parlons de la pauvreté et de l’exclusion : une expérience que j’ai pu également apporter dans notre comité. Si bien que dans le quartier, nous sommes allés de plus en plus à la recherche de personnes dont on n’entendait pas la voix.
Je voulais que les gens de ma rue puissent aussi connaître la ferme à Wijhe et les personnes du Quart Monde. Et puis il y a eu une journée de rencontre familiale organisée là-bas et j’ai pensé que ce serait une chance de pouvoir inviter bon nombre de mes voisins. Wilma, ma voisine, fut immédiatement intéressée. Avec son soutien, nous avons réussi à amener les gens à la ferme.
Ça a été un grand défi pour moi de faire venir mes voisins à un endroit où venaient d’autres personnes qui connaissaient la pauvreté. La peur que ma famille en subisse les conséquences s’est révélée infondée ! La confiance s’est renforcée en moi. J’ai commencé à parler avec des organisations, des associations de jeunes qui sont venues à la ferme, avec la télévision, avec les autorités locales.

Le défi est maintenant que nous trouvions de vraies réponses à la pauvreté dans notre région. Je dois continuer à travailler main dans la main avec les gens et bâtir la confiance.

Parce que sans la confiance, y compris celle de ma voisine Wilma, je n’aurais jamais ouvert la porte de ma maison.

Mon histoire montre combien il est difficile d’atteindre les gens qui sont mal vus et exclus, mais que c’est possible. Avec ma famille, il nous a fallu avoir du souffle pour arriver là où nous sommes aujourd’hui. Il reste toujours la question de comment aller plus loin. Je veux que les choses changent vraiment.


Pour connaître d’autres 1001 Histoires, visiter le blog →