De la Centrafrique au Rwanda, des jeunes bâtisseurs de paix
Du 1er au 3 mai, 35 jeunes ont participé à une formation sur le thème de la paix, avec l’association rwandaise « Umuseke » (l’aurore, en kinyarwanda). C’était une étape de plus dans l’engagement de ces jeunes qui travaillent ensemble pour la réconciliation et l’éducation à la paix dans leur communauté, quartier, lieu de culte ou école. Un chemin qu’ils ne font pas seuls, mais avec d’autres qui ont vécu des réalités semblables. Retour sur l’engagement dans la durée de jeunes qui veulent prendre leur part à la construction de la paix en Centrafrique.
Juin 2014 : début de la formation « vers la citoyenneté par le chemin de la paix »
Quarante cinq jeunes adultes, tous engagés dans leur quartier, leur mouvement, leur lieu de culte, leur école, s’étaient rassemblés à la Cour d’ATD Quart Monde, à Bangui.
Pendant six jours, à travers des échanges, des jeux, du photo langage, des sketches permettant de débusquer des généralisations, mécanismes de suspicion, de rumeurs et de préjugés, mais aussi de réfléchir sur les droits et devoirs, choix et engagements, les participants ont bâti les éléments d’une formation pour mener ensuite des actions dans leur quartier et leur communauté, en impliquant tout le monde.
Geoffroy, habitant dans un village à 22 km de Bangui : « notre pays passe des moments ou tous doivent jouer leur partition pour la paix. Nous sommes venus comme artisans de paix. Cela va nous engager à transmettre dans nos secteurs respectifs. Je ferai de mon mieux pour retransmettre cette formation à ma communauté ».
Essaimer la recherche de paix, à Bangui et dans les villages
En quittant la Cour, les participants à la formation ont commencé à partager « ce chemin vers la paix » là où ils sont, dans leur lieu de travail, leur communauté, leur quartier.
Dieudonné, à la fondation La Voix du Coeur, a animé la formation devant tout le personnel éducatif et directif ainsi qu’auprès de nombreux jeunes, qui ont ensuite réalisé des scènes de « théâtre-forum » lors de la visite du ministère des Affaires Sociales, sur la base de ce qu’ils avaient discuté à l’occasion de ces sessions de formation.
Marius (éducateur à Afriyan) apprécie de faire passer autour de lui « cette méthode pratique » qui permet « d’apprendre en faisant », pendant la Journée de l’Enfant Africain. D’autres jeunes ont pu intervenir dans des écoles, comme à Nicolas Barré, et des enseignants ont repris à leur compte cette formation. Fabrice, professeur en primaire a reconnu combien « cette formation était bienvenue. »
Au cours des rassemblements dans des quartiers différents qui marqueront la Journée Mondiale du Refus de la Misère, Kevin, Firmin, Herbert, Rufin, Eben, Cédrick, Georges, Grâce et Arnaud ont montré ce qu’ils avaient appris et fait connaître leur engagement pour se former. Ils proposeront à ceux qui le souhaitent de poursuivre au cours de réunions de quartiers, ou dans des sites, ou en groupes de jeunes ou de voisins.
Laury et Mariam, deux membres de la plateforme Interreligieuse ont présenté, en juillet et août, les images aux jeunes et enfants qui vivent dans le site des déplacés de la mosquée centrale de Bangui.
« Avec les enfants, je n’avais plus peur »
Pour chacun de ces jeunes, la décision de s’engager dans ces actions pour construire la paix est le résultat de tout un cheminement, une recherche avec d’autres. Kevin dit : « ce qui m’a touché à ATD c’est de s’engager à être ensemble. J’aurais pu faire des choses seul, mais être avec d’autres c’est mieux. On implique les amis et ça nous met ensemble. Avant, j’étais victime de pillage, j’avais pas le moral. Avec les enfants avec lesquels je fais des animations, j’ai eu la paix du cœur, au lieu de rester seul chez moi où j’avais peur ».
Dieudonné « j’ai été appelé au centre de ‘La Voix du Cœur’, et les enfants de la rue étaient différents, certains drogués… J’ai compris qu’ils étaient extrêmes, grandes colères, mais aussi grande affection. Je compte pour quelque chose avec eux et je perds mes soucis, car je sais qu’eux ont plus de problèmes que moi ».
Mariam nous partage : « je suis engagée comme volontaire à IRC (International Rescue) car dans notre quartier les enfants sont trop brutalisés. Dans le Centre Social, les enfants venaient avec des armes blanches fabriquées en bois. ‘Moi je suis Seleka, toi tu es Balaka’ et ils se battaient. On a réussi à les changer. Nous aussi, nous avons été accusés d’être avec les uns ou les autres, mais par la grâce de Dieu on a continué ».
Au Rwanda, « le choix de ne pas se venger »
Le 19 mars dernier, un groupe de jeunes engagés dans leur communauté (dont des animateurs de bibliothèque de rue) ont fait un voyage d’étude à Kigali au Rwanda, dans le but d’approfondir leurs connaissances autour de l’éducation à la paix et d’échanger avec d’autres jeunes issus de pays qui ont traversé des périodes de guerre et de violence (Rwanda, RD Congo et Burundi).
Le groupe s’était préparé longuement en analysant les causes du conflit en Centrafrique : manque d’opportunité pour la jeunesse qui a trouvé dans la rébellion un moyen d’accéder au travail, exploitation de la pauvreté par des groupes au pouvoir, problèmes de gouvernance pour assurer la bonne gestion du pays, les causes sont nombreuses. Convaincus que la paix est l’affaire de tous, et pas seulement du gouvernement, même si beaucoup pensent qu’il devrait désarmer les groupes et poser les bases d’une justice pour tous, l’engagement de ces jeunes est au quotidien. Ce voyage leur a permis de le renforcer encore davantage.
Ces jeunes de quatre pays différents ont d’abord visité le mémorial du génocide Rwandais : « Ce qui m’a touché c’est ‘le choix de ne pas se venger’. La population a pu surmonter toutes ces blessures, elle a reconstruit le pays. » Puis ils ont participé à la grande marche contre la violence avec plus de 900 jeunes. Les échanges ont continué le lendemain à Mpanda dans le centre de formation.
Dans le village de Guiseke, où la délégation a été chaleureusement accueillie, la découverte des actions communautaires a donné lieu à des échanges passionnants. Ces projets comme celui du ‘crédit portemonnaie’ qui permet aux familles de vendre des lapins et poules pour leur permettre de faire face à leurs problèmes financiers, avec un accompagnement sur le plan agricole et en élevage, ont permis de se mettre ensemble sans distinction ethnique.
Calixte, un habitant : « nous sommes contents de votre venue. Nous aussi avons connu la guerre, mais depuis nous cohabitons ensemble, sans étiquette d’ethnie, grâce à la formation sur la paix. Nous avons œuvré surtout pour la solidarité car l’union fait la force. »
Dieudonné conclura plus tard : « Aujourd’hui on est émerveillé de voir comment votre organisation à permis de réaliser beaucoup de choses sur une petite parcelle. C’est vrai que nous avons notre réalité en Centrafrique, notre manière de travailler, de vivre notre solidarité est différente. Néanmoins nous avons vu les résultats obtenus par rapport à vos actions. On se souviendra toujours de cette visite ».
Une semaine de rencontre, de vivre ensemble, de découverte, d’apprendre des nouvelles choses, d’élargir son horizon … pour cheminer ensemble vers la paix !
Equipe ATD Quart Monde Centrafrique, mai 2015