Décès de Mme Alwine de Vos van Steenwijk, Présidente d’honneur du Mouvement international ATD Quart Monde
Photo : Freddy Schinkel, IJsselmuiden © 091105
Madame Alwine de Vos van Steenwijk est décédée mardi 24 janvier. Ses forces, qu’elles a investies sans compter pour bâtir notre Mouvement, l’ont quittée. Elle avait 90 ans.
A la fin des années 50, alors que Madame de Vos était diplomate à Paris pour son pays, les Pays Bas, elle a entendu parler du Père Joseph Wresinski et du combat que des familles et lui menaient dans le camp de Noisy-le-Grand. Bouleversée par le dénuement dans lequel se trouvaient les familles et interpellée par la nouveauté de ce qu’elles et le Père Joseph entreprenaient, elle s’est décidée un jour à emprunter le chemin de terre et de poussière qui menait au camp. Elle voulait s’entretenir avec le Père Joseph. Il lui a proposé d’aider à trier toutes sortes de choses déposées pour les familles du camp en l’attendant. Comment trier quand on découvre des habits en partie déchirés ou pas lavés ? A la tombée de la nuit, c’est une Alwine en larmes que le Père Joseph a retrouvée assise sur une chaise dans le vestiaire. « Pourquoi pleurez-vous ? » « Je découvre combien mon propre milieu peut humilier les pauvres. Il croit lui être utile en lui envoyant des chaussures dépareillées. ». « Si vous voulez être utile, aidez-moi à créer un institut de recherches ».
Elle a alors jeté les bases du « Bureau de recherches sociales » qui a donné une nouvelle crédibilité au combat du Mouvement. Celui-ci continue à se développer aujourd’hui dans le cadre du Centre International Joseph Wresinski. Cela marqua le début d’un combat mené avec intelligence et pugnacité pour faire entrer l’expérience et la pensée des familles très pauvres dans le monde scientifique. Des centaines d’écrits de toutes sortes attestent de la passion de Madame de Vos pour le rassemblement et le partage de connaissances acquises au jour le jour et travaillées pour que le monde s’en saisisse et se libère de l’emprise de la misère et de la violence.
Alors qu’avec le Colloque international « La misère est violence. Rompre le silence. Chercher la paix », le Mouvement ATD Quart Monde va conclure, le 26 janvier à l’UNESCO, une démarche de recherche menée depuis trois ans dans une dynamique de croisement des savoirs, nous nous rappelons que c’est en convoquant le Colloque international sur la pauvreté en 1964, dans l’enceinte de l’UNESCO, que le Père Joseph et elle ont posé les bases d’un travail de connaissance ancré dans la réciprocité des savoirs.
Par la suite, le Père Joseph lui a demandé de se faire ambassadrice de son peuple avec cette ambition que le Quart Monde puisse monter les marches des Nations Unies, c’est-à-dire qu’il soit introduit comme nouveau partenaire dans la vie publique internationale, là où se réfléchit, s’élabore et se dessine l’avenir de la communauté humaine. Jamais elle n’est sortie d’un rendez-vous avec un haut responsable sans lui poser cette question : « Que pouvons-nous dire aux familles ? Quels engagements êtes-vous prêt à prendre ? »
Après le décès du Père Joseph, faire connaître sa vie est devenu son combat premier. C’est elle qui rédigea la première biographie du Père Joseph et qui travailla à constituer les deux tomes « Écrits et paroles du Père Joseph ». Elle mettait toute son énergie à faire en sorte que l’action et la pensée Wresinski soient reconnues en tant que telles, deviennent accessibles, soient dialoguées pour rester sources d’inspiration, aussi bien dans les sphères politiques, scientifiques, culturelles que dans son Église à lui. Ce fut la première étape vers le Centre International Joseph Wresinski.
Ces dernières années, aux Pays Bas, elle s’est lancé dans une merveilleuse histoire de réalisation de pièces de théâtre avec Laurens Umans, acteur de théâtre et réalisateur professionnel, et avec des familles confrontées à cette exclusion qui conduit à l’injustice de la misère. Leurs pièces de théâtre d’un niveau artistique incontesté et d’une grande profondeur ont ouvert et mobilisé le cœur et l’intelligence de milliers de spectateurs de tous les horizons culturels, sociaux, spirituels et politiques à travers le pays et en Europe. Quelques heures avant son départ, elle a confié aux proches qui se trouvaient autour d’elle : « dites aux familles que je les aime ».