Des nouvelles de notre équipe en Centrafrique
« Si nous voulons vivre en paix, nous devons être ensemble »
La République Centrafricaine est en train de vivre un nouvel épisode douloureux du conflit qui a débuté en décembre dernier. Les volontaires du Mouvement ATD Quart Monde ont été réveillés très tôt le 5 décembre par des tirs de mortiers. Les tirs ont continué dans leur quartier les deux jours suivants, jour et nuit. Les rebelles au pouvoir et les groupes d’auto-défense s’attaquent mutuellement. Mais ce sont des personnes innocentes qui sont la plupart du temps les victimes de ces combats.
Une de nos volontaires, Froukje Dijkstra disait : « Dans les boutiques, les provisions diminuent. Il n’y a plus ni sucre, ni sardines. Il y a de longues files d’attente devant celles qui sont ouvertes. Au marché, il y avait tout au plus une dizaine d’échoppes avec des femmes qui vendent des feuilles, quelques tomates… Très peu de choses. Les gens restent enfermés chez eux ou partent dans d’autres endroits où ils se sentent plus en sécurité. Les rues sont vides, il n’y a pas de taxis, pas de bus, seulement quelques piétons. La peur de sortir est là. »
Elle ajoute : « il y a une force ici qui dépasse toute mon imagination. Nous sommes tristes, révoltés Ce sont les sentiments qui dominent les cœurs après la peur. Tristesse devant cet enchaînement de violence qui affecte profondément l’entente qui a toujours existé entre les communautés religieuses dans le pays. Révolte parce que les voix qui appelaient à une intervention des Nations Unies n’ont pas été entendues plus tôt. Cela aurait mis un terme aux violences et empêché que le fossé entre les communautés ne s’élargisse. »
En pensant à Nelson Mandela, nous nous demandions pourquoi des hommes restent si sourds à l’appel de la fraternité et de la réconciliation. Combien de vies seront sacrifiées avant que la sagesse ne gagne sur la folie ? Mais nous savons qu’il y a tant d’enfants, de jeunes, d’adultes, qui en Centrafrique comme ailleurs, agissent avec conviction, pour refuser la violence, et c’est ce qui nous permet de croire que l’humanité peut grandir à partir des actions et des engagements de tous, s’ils sont guidés par la fraternité
Le peuple Centrafricain, courageux, qui doit résister à ce courant de peur et de haine, a besoin d’amitié et de respect du monde entier pour faire triompher son sens profond du « Zo kwe Zo », « tout homme est un homme », énoncé par le fondateur de la République, Barthélémy Boganda.
Un de nos amis centrafricains disait : « Nous ne sommes pas éloignés du Mouvement ATD Quart Monde. Pourquoi ? Parce qu’on sait que si on veut être dans la paix, il faut être ensemble. C’est pourquoi, nous sommes allés dans l’île (pour faire nos activités habituelles avec les enfants), malgré les tirs de fusil, malgré les messages qui disent de ne pas sortir. Nous voulons être ensemble, échanger des idées et chercher comment faire pour que la paix revienne dans notre pays, chercher ce que nous pouvons faire en tant que Mouvement ATD Quart Monde pour cela.«
Froukje et ses co-volontaires Joachim et François ajoutaient : « Nous nous sentons très petits face à tant de violence, très impuissants face à tant de souffrance des gens qu’on aime et ceux qu’on ne connaît pas encore, mais nous sommes aussi témoins de la force des gens à tenir debout. Ils aspirent avant tout à la paix pour chacun dans leur pays. Nous nous sentons des messagers, nous maintenons des liens avec la plupart de nos amis et nous relayons les mots d’amitié et d’encouragements des uns et des autres. »
Le pays, ses habitants souffrent, la paix à laquelle chacun aspire tellement ici est encore loin mais on continue à la construire doucement comme on peut, parce qu’on y croit.Personne ne sait comment la situation peut évoluer, mais nous espérons tous que les jours prochains seront des temps d’apaisement, et que bientôt les Centrafricains pourront dire, en écho à Nelson Mandela, lors de son investiture en 1994 : « l’heure est venue de soigner nos blessures. L’heure de combler l’abîme qui nous sépare, l’heure de construire ensemble ».
Isabelle Pypaert Perrin, Jacqueline Plaisir, Diana Skelton, Jean Toussaint
Délégation générale