En Flandres, ATD Quart Monde et des partenaires se mobilisent pour garantir les droits fondamentaux
En Belgique comme dans d’autres pays en Europe, au nom de l’austérité financière, les droits sociaux sont en recul. Le CPAS (Centre Public d’Aide Sociale) d’une grande ville belge a décidé qu’il n’assurait plus la garantie des droits fondamentaux , mais y « contribuait seulement ». La nuance est importante. Qui devient alors garant du bien-être de tous ? Face à ce durcissement, des citoyens, des associations comme ATD Quart Monde se mobilisent pour faire entendre la voix et les initiatives des exclus.
Dans plusieurs villes de Flandres, des membres d’ATD Quart Monde (dont une bonne partie ont vécu la pauvreté) essayent de changer les choses en créant des espaces de rencontres entre citoyens de milieux différents.
A Willebroek, Jan s’est investi dans un projet de « jardins prêtés » mené en partenariat avec d’autres associations. Des personnes qui ont un bout de terrain non cultivé le prêtent à d’autres qui ont « la main verte » et cherchent à faire un jardin. Jan y a entraîné des personnes qui ont la vie difficile. Il explique : « On cultive mais aussi on discute beaucoup. Parfois, un voisin finit par dire qu’il a un problème d’électricité et on va lui donner un coup de main. » Ce projet crée des légumes, mais aussi des rencontres et des relations.
D’autres membres participent à un projet de spectacle avec la ville, avec chants et lecture de poésies dont certaines écrites au sein du groupe local. André Dierickx, un militant Quart Monde précise : « En nous y impliquant, on veut colorer ce projet. Faire en sorte que les plus pauvres puissent être participants. »
A Ostende, plusieurs associations ont lutté pour avoir un centre de santé dans leur quartier. ATD s’y est associé pour veiller à l’accès des plus pauvres. Il existe aussi le projet de rénovation d’une maison pour l’accueil de personnes sans-abri et casser le cercle vicieux de la rue et de la misère. Jürgen, qui a vécu à la rue durant des années, se bat pour ce projet avec d’autres du groupe. D’autres membres se retrouvent régulièrement pour partager leur expérience de parents d’élèves ou dans un conseil de quartier, et s’encourager dans leur engagement.
Bees travaille au Centre d’action sociale. Elle raconte : « ATD me permet de travailler avec des militants Quart Monde, c’est essentiel, sinon je tomberais dans les clichés que les gens ne veulent pas se bouger. Le grand danger pour les travailleurs sociaux, c’est de se décourager. Les militants me font voir le dysfonctionnement des structures. J’entends à ATD Quart Monde des réponses que je n’entends pas dans mon travail.Si les gens ne montrent pas leurs forces et leurs combats, c’est parce qu’on ne le leur demande pas. On ne voit que leurs problèmes. »
Christine est responsable d’une structure d’aide à la jeunesse qui travaille aussi avec les familles. A partir de sa rencontre avec ATD Quart Monde, elle soutient ses collègues dans leur réflexion. « Et quand je parle avec des politiques, j’essaie d’avoir toujours en tête les réflexions avec les militants. »
Faire face aux politiques de plus en plus dures à l’égard des personnes pauvres
En Belgique, l’approche en terme de droit disparaît peu à peu et le contrôle social augmente terriblement.
Heureusement, il existe des associations, des collectifs qui résistent. Comme « Hart boven Hard » ( « Cœur contre l’austérité ») . Il y a aussi « VREDESWAKES » (« éveillés pour la paix ») qui organise trois fois par an une manifestation autour d’un thème. En mars, c’était autour de la pauvreté dans le monde. Des gens qui vivent dans la pauvreté en Belgique et dans les pays du sud ont témoigné. Une pétition pour le Premier Ministre a été lancée, disant :« Il n’y aura pas de paix tant qu’il y a de la pauvreté » et réclamant que chaque belge ait un revenu supérieur au seuil de pauvreté européen et que 0,7 % du PIB soit accordé à l’aide au développement.
Mieke, militante néerlandophone de Bruxelles, fait partie de tous ceux qui refusent que la seule réponse soit de couper dans toutes les aides. « J’ai participé à des associations où les pauvres prennent la parole. On allait expliquer aux instituteurs comment écouter les parents, parce qu’ils ne comprennent pas, il y en a qui jugent… On est dans une société où on est de plus en plus les uns contre les autres. Les gens qui travaillent disent : ’ceux-là, ils nous coûtent cher.’ En même temps, on est de plus en plus exclus du monde du travail, parce que la barrière est de plus en plus haute ; il faut pouvoir travailler de plus en plus vite. Il faudrait organiser des jardins partagés, des squatts, créer des coopératives, pour pouvoir vivre quand-même. On ne peut pas entrer nous aussi dans cette société où on demande à avoir toujours plus, pour pouvoir acheter plus et jeter plus, et pour cela, il faut avoir encore plus. »
En Flandres, « Vlaams netwerk tegen armoede » regroupe 60 associations, où les pauvres sont acteurs et ont la parole, autour de 3 fondements : l’affirmation que la misère est une violation des droits de l’homme, la prise en compte de l’interdépendance des droits et la participation des personnes en pauvreté. Grâce à une loi qui oblige tous les ministres à un dialogue régulier et direct avec les pauvres, le réseau rencontre deux fois par an chaque ministre. Mais il reste que la politique se durcit. « Le gouvernement est mieux informé, mais ce n’est pas pour cela qu’ils décident mieux » disent les responsables de ce réseau.
Des associations veulent être des « agents de transformation sociale »
Dans ce contexte où les droits fondamentaux sont fragilisés, certaines associations veulent être des « agents de transformation sociale » avec les personnes en pauvreté elles-mêmes.
« Welzijnsschakels » (« la chaîne du bien-être ») est un réseau de 153 groupes et de 3500 bénévoles qui à l´origine étaient liés à l’église. Ils ont organisé une campagne sur « comment vivre ensemble ». Les bénévoles essaient de réfléchir à la manière de vivre et de travailler avec des personnes en pauvreté et misent sur des activités culturelles (théâtre, chant) pour renouveler cette manière d’être ensemble. « On part de la solidarité des gens qui s’engagent, alors qu’il faudrait partir du courage et de la résistance des gens eux-mêmes. Mais c’est dur. Les personnes non-pauvres ont tendance à agir vite, et à ne pas assez s’arrêter pour penser », soulignent certains. Cependant, de nombreux groupes ont évolué depuis le début de cette association : les personnes pauvres ont leur place et agissent ensemble avec d’autres.
A Alst, l’association « Mensen voor mensen » (« des hommes pour les hommes ») essaie de rassembler les personnes isolées et de les rendre plus fortes et plus confiantes, de développer les partenariats avec les services publics et de faire évoluer les réglementations. Une de leur salariée a connu la pauvreté. Grâce au soutien de Mensen voor Mensen, elle a suivi une formation de 4 ans pour pouvoir travailler en tant qu’expert en « expérience de l’exclusion ». L’association cherche à ce que dans toutes leurs actions, il y ait autant de personnes vivant la pauvreté et d’autres qui sont solidaires. Un des projets menés a été la création d’une « carte culture » qui permet aux personnes pauvres d’accéder à bien moindre coût aux spectacles et activités culturelles diverses. Une femme explique : « Ce n’est pas que la culture ne m’intéressait pas, mais je ne connaissais pas. Ici, ils m’ont poursuivie pour que j’essaie. J’ai accepté d’aller à un spectacle de théâtre pour enfants avec mon fils, pour qu’il puisse découvrir et en parler à l’école. J’avais peur de rencontrer des personnes à qui je devais de l’argent et qui pouvaient me reprocher de dépenser de l’argent pour venir à des amusements au lieu de les rembourser. Je n’avais pas encore compris que j’avais droit à la culture. Et puis, je n’osais pas aller seule. C’est important d’être dans un groupe. »
Beaucoup de ces associations sont liées dans leur histoire à ATD Quart Monde et disent que le Mouvement est une source d’ inspiration pour eux.