Geneviève de Gaulle Anthonioz, une vie de résistances

Ancienne résistante et déportée, celle qui fut présidente d’ATD Quart Monde (France) pendant 34 ans est l’une des quatre personnalités qui entrent au Panthéon le 27 mai prochain. Plusieurs événements en France, en Irlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, ont lieu pour honorer le combat et l’engagement de Geneviève de Gaulle. Portrait d’une femme d’exception qui a toujours refusé l’inacceptable : la négation de la dignité humaine, que ce soit par la barbarie du nazisme ou la violence de la misère.

Article en intégralité sur le site ATD Quart Monde France

« Moi, une héroïne ? Sûrement pas. Les héros et les héroïnes sont des gens d’exception, j’appartiens à ce qu’on peut appeler les braves gens, je suis une brave femme, pas beaucoup plus [1] ». Résistante et déportée, présidente d’ATD Quart Monde durant 34 ans, Geneviève de Gaulle Anthonioz pratiquait la modestie. Pourtant, en cette année où l’on célèbre le 70e anniversaire de la libération des camps, la République va lui rendre un hommage très solennel le 27 mai prochain, Jour de la Résistance. Aux côtés de trois autres personnalités – les résistants Germaine Tillion et Pierre Brossolette, ainsi que Jean Zay exécuté par la Milice –, elle va être « panthéonisée », c’est-à-dire que son cercueil va être, symboliquement, transféré au Panthéon. [2] .

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C’est en octobre 1958 que Geneviève de Gaulle rencontre Joseph Wresinski lors d’un dîner chez une amie commune qui voulait lui faire connaître ce curé atypique. Ce jour-là, elle ne le sait pas mais sa vie va prendre un autre tour. Joseph Wresinski, qui a fondé ATD (Aide à Toute Détresse) un an et demi plus tôt, insiste pour qu’elle vienne visiter le bidonville de Noisy-le-Grand où il vit aux côtés de familles dans le plus profond dénuement – « le sous-prolétariat » dit-on alors avant que Wresinski ne parle du « Quart monde ».

Elle découvre là un monde qui la renvoie à Ravensbrück : « sur le visage de ces hommes et de ces femmes, j’ai retrouvé quelque chose que j’avais connu sur les visages de mes camarades à Ravensbrück, quand on n’a plus d’espérance, quand on est usé par un combat quotidien dont on se dit qu’il ne peut finir que par notre mort. Le visage perd ce rayonnement que possède chaque être humain en lui ».

En 1959, estimant qu’elle ne pouvait tout mener de front, soucieuse de préserver du temps pour ses enfants, elle quitte le ministère de la Culture – Malraux lui en voudra longtemps. Un an plus tard, un incendie éclate dans le camp. Deux enfants périssent. C’est le point de rupture. Geneviève de Gaulle Anthonioz décide de s’engager à fond contre « la déshumanisation » à l’œuvre chez les plus pauvres comme chez les déportées.

« Je ne comparerai jamais un bidonville à un camp de concentration – les gens n’étaient pas là pour être détruits. Mais quand on n’a pas d’eau pour se laver, pas d’endroit pour dormir, pas de culture parce qu’on ne peut pas y accéder, on arrive à des expériences qui ne sont pas si lointaines. Je sais ce qu’est l’humiliation de sentir mauvais. J’ai reconnu sur mes amis du camp des sans-logis de Noisy-le-Grand l’odeur que je connaissais bien, que j’avais portée sur moi ». Puis elle ajoute : « quand on a été touché par le mal absolu, la seule réponse est la fraternité ».

Désormais Joseph Wresinski et Geneviève de Gaulle Anthonioz font route commune. Un tandem improbable. Issu d’une famille pauvre, il fut longtemps qualifié de « curé de la racaille ». Imprévisible, il peut planter là un journaliste qui lui pose une question maladroite. Dans les rencontres, il ne prend pas toujours de gants. Elle, du fait de son histoire et de son nom, a ses entrées partout. Et elle est écoutée. Le tandem fonctionne à merveille car tous deux se complètent. « Elle arrivait à pousser les portes alors que l’on faisait attendre le curé dans le couloir », résume Véronique Davienne qui l’a côtoyée dans les années 90. « S’ils étaient très différents, tous les deux étaient de la même trempe : ils ne lâchaient pas », complète Didier Robert, d’ATD Quart Monde.

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Devant l’Assemblée Nationale le 25 mars 1997, Geneviève de Gaulle (au centre) avec la délégation venue participer à une table ronde sur la loi contre les exclusions (ph. Pierre Segondi, ATD Quart Monde)

En 1964, la voilà propulsée à la tête du mouvement en France. Wresinski a très vite compris qu’il fallait des personnalités hors du Quart monde pour porter le mouvement et ses revendications – des droits pour les plus pauvres au même titre que les autres, et non la charité expresse qui donne bonne conscience mais qui ne résout rien sur le fond . « Geneviève de Gaulle a apporté une formidable caution au mouvement qui au départ n’était qu’une association de pauvres, souligne Denis Prost. Sa présence était aussi ressentie comme un honneur par les militants ».

En même temps, cette femme, qui fréquente Aragon, Le Corbusier ou Chagall, est acceptée par les plus démunis. Marie Jarhling, arrivée à douze ans dans le bidonville de Noisy avec sa famille, se souvient : « il y avait des gens qui venaient dans le camp et ça sentait la charité. Je ne dis pas qu’il n’en faut pas. Mais nous les pauvres, on se sent culpabilisé, on a surtout envie d’être considéré. Elle ne disait que du positif et comprenait nos humiliations. »

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Plusieurs événements en France, en Irlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, ont lieu pour honorer le combat et l’engagement de Geneviève de Gaulle :

En France : expositions, pièce de théâtre, soirées débats, rediffusions d’émissions dans les médias. Voir site ATD Quart Monde France

En Irlande : une “semaine Geneviève de Gaulle” du 23 mai au 1er Juin 2015. Contact :

Aux Pays Bas : soirée le 16 juin à la Résidence de France de La Haye

A lire aussi : A Ravensbrück, un hommage rendu à deux résistantes et compagnes de captivité, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle Anthonioz

[1] La plupart des citations sont extraites d’une interview pour l’émission A Voix nue du 09/02/1995 sur France Culture, retranscrite dans le trimestriel France Culture papiers, printemps 2015.

[2] Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay entreront dans ce lieu illustre où sont inhumées des personnalités honorées par la République française. La famille de Geneviève de Gaulle, comme celle de Germaine Tillion, n’a pas souhaité que sa dépouille soit exhumée. C’est donc un cercueil avec des morceaux de terre du cimetière de Bossey (Haute Savoie) où elle est enterrée près de son mari, qui entrera au Panthéon.