En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue.
L’histoire qui suit a été écrite par Marie Anne Razafindrafara et Denis Gendre (Madagascar).

Quand j’ai perdu mes parents, j’ai été confiée à ma grand-mère qui a estimé qu’étant une fille, je n’avais pas besoin d’aller à l’école. J’ai toujours voulu apprendre à lire à écrire et j’ai toujours espéré pouvoir le faire.

À 10 ans, j’ai commencé à travailler chez des gens. J’y suis restée jusqu’à mon mariage, à 18 ans. Nous avons d’abord vécu à la campagne avec nos cinq enfants avant de venir à Antananarivo où j’ai lavé le linge pour les autres.

Un jour, une personne m’a accusée d’avoir pris du linge. Elle a profité de mon ignorance pour en abuser : elle a fait une fausse déclaration et m’a traitée de voleuse. J’ai perdu mon travail à cause d’elle et je n’avais plus les moyens de mettre mes enfants à l’école. Ce n’est qu’après avoir été embauchée à MMM que j’ai pu les scolariser de nouveau.

Même si j’habite tout à côté, je ne connaissais pas MMM. Quand une voisine m’a annoncé qu’ils embauchaient, je n’osais pas m’inscrire car j’étais analphabète, mais elle m’a incitée à le faire. On m’a expliqué que MMM recrutait surtout des personnes en grande difficulté et, qu’en plus de l’artisanat, il y avait des cours d’alphabétisation. Cela m’a vraiment motivée. Quand j’ai appris que j’étais acceptée, j’étais très heureuse !

Cependant, j’ai failli abandonner au bout d’un mois car des artisans se moquaient de mon ignorance. Heureusement, un responsable m’a motivée pour que je m’accroche ; il me disait que MMM était pour des personnes comme moi. Je suis donc restée ; j’ai fait des efforts pour apprendre tout ce qu’on nous enseignait et j’ai réussi. Contrairement à ceux qui disaient que j’étais nulle. Les formateurs m’ont beaucoup encouragée ; ils me disaient que j’allais réussir à faire ce qui m’était demandé, même si je rencontrais des difficultés pour y parvenir. Je me suis efforcée d’apprendre car ils nous disaient que nos succès nous apporteraient beaucoup de joie. J’ai maîtrisé ce que j’ai appris et c’est pour cela que je suis restée jusqu’à la fin à MMM.

Maintenant, je sais lire et écrire et plus personne ne pourra profiter de moi.

Il est important de savoir pour ne plus se faire avoir. Savoir lire et écrire apporte un changement considérable dans ma vie.

Mes enfants sont fiers ; ils disent que leur maman n’est plus comme avant, qu’elle sait des choses. J’ai appris à me maîtriser et à mesurer ce que je dis. Avant, j’avais tendance à crier et à parler méchamment, ce qui n’est plus le cas maintenant. Mon mari a remarqué que j’ai appris à discuter. Avant, je n’osais pas discuter car je n’avais pas assez confiance en moi.
Je portais toujours un chapeau qui cachait mon regard car j’avais honte de parler avec ceux que je ne connaissais pas. Mais maintenant, j’ai gagné en confiance et j’ose dire ce que je pense dans les discussions.

C’est parce qu’on ne sait rien qu’on n’ose pas parler. Quand on sait, on n’a plus peur.
Les voisins qui se moquaient de moi auparavant disent que ma vie a changé et ils viennent chercher de l’aide auprès de moi. Mes enfants sont enviés car ils vont à l’école.

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