Ile Maurice : témoignage collectif des résidents de l’Abri de nuit de Port Louis pour le 17 Octobre
Noël, l’un des hommes vivant à l’Abri de Nuit de Port Louis (Ile Maurice), est décédé la semaine dernière. Engagé dans le Comité 17 Octobre depuis sa création, il avait participé à la préparation de la Journée mondiale du refus de la misère 2015 et à la rédaction du témoignage collectif des résidents, apportant sa réflexion : “Là où il y a l’exclusion, nos droits humains ne sont pas du tout respectés. Ce mot « exclusion » n’aurait pas dû exister. On dit partout qu’il y a de grands développements, mais il y a toujours des laissés pour compte. Ce sont ceux qui vivent cette situation qui savent ce qu’ils subissent. »
Voici en hommage à Noël le témoignage collectif des résidents de l’Abri de nuit qui sera lu le 17 Octobre 2015 à l’Ile Maurice.
Le développement, il y en a, mais pas pour tous. Donnez-nous l’occasion d’y contribuer aussi
Nous, les résidents temporaires de l’ « Abri de Nuit », s’il y a une raison que nous sommes tous ici, c’est à cause du problème de logement. Nous sommes ici temporairement en attendant que nous trouvions une solution à notre problème.
Nous voudrions lancer un appel sur ce problème de logement.
Nous disons qu’il y a du développement, mais pas pour tout le monde.
Nous voyons que là où il y a l’exclusion, nos droits humains ne sont pas respectés. D’ailleurs, ce mot « exclusion » ne devrait pas exister. Cette idée d’exclure ne devrait pas exister.
On dit que le pays est en plein développement, mais il y a toujours des laissés-pour-compte. Les personnes vivant dans la grande pauvreté le savent mieux que quiconque.
Des maisons ont été construites au pied des montagnes (des logements temporaires). A chaque pluie, il y a des glissements de terrain et des maisons s’affaissent.
Combien de personnes sont décédées ici même quand il y eut ces pluies torrentielles? Pourtant ces bâtiments-là ont été construits dans le cadre d’un projet de développement.
Du développement il y en a, mais c’est surtout sa durabilité qui compte.
Pour avoir un logement, nous devons prendre un emprunt sur une période de 20 ans. Notre emploi n’est pas permanent. Après 2 ou 3 ans, nous nous retrouvons ici (à l’abri de nuit).
Dans notre pays, la plupart des petits travailleurs n’ont pas de travail. Les employeurs ne nous embauchent pas, ils recrutent plutôt de la main-d’œuvre étrangère. Pourquoi ?
Parce qu’ils coûtent moins cher? Parce qu’ils rapportent plus d’argent ? Parce qu’ils travaillent davantage ? Nous ne savons même pas pourquoi.
Supposons qu’on soit une personne qui a fait de la prison, on a envie de changer notre vie. Nous avons besoin de travailler. On nous dit « non, il n’y aucune solution parce que notre dossier n’est pas recommandable. » De nos jours, tout dépend de la moralité. Mais n’a-t-on pas besoin d’argent ? Chaque jour on a besoin d’argent pour vivre. on a besoin de l’argent pour toutes les choses de la vie. C’est pourquoi à la longue, certains commencent à voler et c’est à ce moment-là que nous sommes considérés comme des hors-la-loi. On peut alors tomber dans le désespoir, l’alcoolisme, la drogue…
Parfois, même s’il y a du travail, les salaires qu’on nous propose nous découragent. Il y a même des endroits où on ne peut pas entrer si on a des savates aux pieds.
C’est pour cela nous disons que le développement durable n’est pas pour nous. Nous n’avons rien à y gagner. 50% des petites gens comme nous sont en prison. Ici, c’est la loi qui prime. Si on hausse le ton, on risque d’être emprisonné à nouveau. Mais c’est très rare qu’il y ait au moins deux personnes qui s’asseyent avec nous et nous écoutent pour préparer notre message. Ailleurs, peut-être on ne trouvera pas ce moment, on n’en trouve pas.
Le développement durable n’a pas lieu pour tous. Pour certains, oui, c’est bon. Il faudrait faire de sorte que tout le monde en profite.
Nous sommes confiants que le gouvernement a la possibilité de changer les choses car tout est entre ses mains et ils connaissent la situation.
Par exemple, lorsqu’il y a un cyclone, le gouvernement, à travers le Prime Minister’s Relief Fund, aide les sinistrés. Nous pensons que l’Etat peut demander au secteur privé de verser une somme d’argent chaque mois dans le Prime Minister’s Relief Fund pour aider à combattre la misère.
Tant que les personnes seront dans l’assistanat, ce ne sera pas facile de combattre la misère. Si nous pensons négativement, nous aurons toujours des difficultés, nous devons avoir une attitude positive. Collaborer, réfléchir ensemble, se mettre ensemble pour créer un développement durable où tous auront une part du gâteau. Et non que l’un touche cette part-là et que l’autre reçoit juste un tout petit peu de sucre.
Pour la construction de notre avenir, nous voulons un développement durable dans lequel nous laisserons notre empreinte.
Photo : Noël lisant le texte de la Dalle en anglais le 17 octobre 2014
Témoignage des hommes de l’Abri de nuit pour le 17 Octobre en format pdf.