Intervention de Laurence D’Harcourt Magistrat, France.
Le déni des droits fondamentaux. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012
Le déni des droits fondamentaux :
Le premier rôle de la justice, du juge est d’appliquer la loi et donc de respecter les droits.
Est ce toujours le cas en ce qui concerne les plus pauvres ? deux exemples à partir du droit au respect de la vie familiale et le droit à la justice cad droit à un procès équitable
Une femme a témoigné de la souffrance de son enfance, d’avoir été placé et séparé de ses parents et de ses frères et sœurs , elle n’a d’ailleurs pas employé le mot placé, ni même séparé mais déchiré de ses parents et frères et sœurs. « L’Etat nous a fait beaucoup de mal mais cela il ne veut pas l’accepter. Je cherche la paix intérieure pour ne plus être violente, une violence immense en moi qui m’empêche d’avancer. Quelle image de mère avec cette violence à l’intérieur de moi je donne à mes enfants ? Je cherche à apprendre à maitriser ma violence intérieure. C’est à eux le gouvernement de faire le premier pas … »
Une autre femme en Angleterre a raconté que lorsque les enfants étaient placés, les lettres que les parents écrivaient à leurs enfants étaient lues par les services sociaux et que si elles contenaient des mots comme « je t’aime, je fais tout pour te récupérer et que tu reviennes à la maison », les lettres n’étaient pas remises aux enfants car cela était considéré comme allant perturber les enfants.
Et pourtant que ce soit sur le plan international (a. 9 de la CIDE les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré) européen ( a. 8 de la CEDH le droit au respect de la vie familial) ou même en droit français où « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel » a. 375-2 du code civil, il est rappelé que la famille est un droit fondamental pour l’être humain. Est ce que la justice, les juges vont se laisser interroger par le cri de ses femmes ou de cet enfant devenu adulte ?
Le droit à la justice est un droit fondamental cela veut dire le droit à un procès équitable (être entendu et avoir accès préalablement à ce qui a été dit sur moi pour pouvoir mieux me défendre) : mais en cas de surcharge de travail, de poste vacant, il arrive que les décisions soient prises sans que la personne ne soit entendue. Et si un juge s’y oppose au nom du respect du droit du justiciable à être entendu, on va lui dire qu’il n’a pas le sens du service public puisqu’en voulant entendre tout le monde, il va bloquer le système et que toutes façons pour ces gens là, les écouter ou pas, cela ne changera rien à la décision. Et quant à l’accès à son dossier : (…) peut on vraiment dire que les plus pauvres ont droit à un procès équitable ? voir AGORA
La très grande violence qui est faite aux plus pauvres est que ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils vivent n’est pas considéré comme une violation des droits fondamentaux. (Absence de logement, de travail pour pouvoir élever ses enfants)
Mais ce qui me permet de s’en rendre compte ce sont des journées de travail comme celles qui ont précédé la journée d’aujourd’hui.
Pourquoi le système judiciaire, les juges ne s’en rendent pas compte ? Parce que n’est pas respecté le droit fondamental de l’égale dignité de tous les êtres humains. On peut faire des lois, donner des droits tout cela peut rester lettre morte si au cœur de chacun il n’y a pas inscrit le principe de l’égale dignité. Et ce qui permet d’inscrire ce principe au cœur de chacun ce sont des journées de travail comme celles qui ont précédé cette journée à l’UNESCO. Si les systèmes, les réponses ne sont pas évalués, travaillés avec les plus pauvres, l’enfer restera pavé de bonnes intentions.