Intervention de Ronald Schexnayder, Membre du Mouvement ATD Quart Monde États-Unis.
Comprendre la paix à partir du refus de la misère. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012
Accusé et emprisonné à tort, l’auteur entreprend un parcours de formation personnelle et d’assistance juridique aux autres détenus, qui le mènera vers la paix
Je suis ce qu’on appelle un activiste, celui qui donne un témoignage véridique et personnel de ce type de violence, qui révèle les faits et puis crée la paix.
Prouver mon innocence
La Nouvelle-Orléans est connue pour la corruption de sa police.
On m’a interpellé et j’ai été accusé d’un délit du genre cambriolage dont j’ignorais tout – j’étais dans un autre État à l’époque. Toujours est-il que je me retrouvais en prison pour plusieurs mois.
D’abord j’étais tellement furieux que j’en suis tombé malade. Puis je me dis que j’avais besoin de connaissances en droit pour prouver mon innocence. J’allais donc à la bibliothèque de droit de la prison où je rencontrais des personnes qui avaient rédigé des assignations en justice. Ils me conseillèrent des ouvrages que je me mis à lire les uns après les autres.
Je découvris comment fonctionnent les procédures judiciaires et les rituels de salles d’audience. Ainsi que des personnes et des organisations auxquelles j’écrivais pour demander de l’aide.
Se soutenir entre détenus
Pendant cette époque, d’autres détenus vinrent me montrer leur acte d’accusation et les charges qui pesaient sur eux et je fis le nécessaire : plusieurs furent libérés. Je déposais des demandes de réduction de caution afin qu’ils puissent sortir sous caution ou alors on se chargeait d’obtenir un non-lieu. Ce qui malheureusement ne marcha pas pour moi : je dus mener à terme mon injuste condamnation de huit ans, ce qui signifia cinq années en prison.
Une fois en prison, on protesta contre les conditions de vie indécentes et insalubres ; on nous donnait de la nourriture avariée, pas de vêtements corrects, ni savon ni brosse à dents. Pas de temps accordé aux détenus pour profiter de l’air et du soleil. Un jour on se souleva et on refusa de sortir des cellules, on rédigea des pétitions. On engagea des poursuites au civil contre les autorités pénitentiaires. Le tout dura deux semaines, c’est là qu’ils m’ont passé à tabac. Je fis parvenir clandestinement une lettre au FBI qui vint mener une enquête.
Nous avons gagné notre procès. Et on commença à nous fournir des godillots de travail, des brosses à dents, une meilleure nourriture, et ainsi de suite. Après la fin des manifestations je dus aller me dénoncer à l’administration pénitentiaire. On m’envoya dans une prison encore pire avec des gars condamnés à cinquante ans et plus, et même des condamnés à mort.
Connaître le droit et mes droits
Après ma sortie, j’entrepris des études de droit parce que la police, invoquant de fausses accusations, n’arrêtait pas de m’interpeller et de me harceler. Ce qui me décida à aller à l’université, notamment à suivre un cours d’initiation au droit pour connaître à la fois LE droit et MES droits. Ainsi je peux aider ceux qui traversent les mêmes épreuves, des personnes accusées mais qui ignorent tout du droit. Je me mis donc au bénévolat et dispensai gratuitement une assistance juridique.
Accusé et condamné pour un délit que je n’ai pas commis, c’est le seul moyen pour moi de me vider de ma colère et de me mettre en paix. Il faut voir un peu plus loin, tenter de changer les règles. Quant aux responsables, il faut les sanctionner. Si je peux les faire limoger ou même les écarter pour un temps, c’est bien. Faire voir aux gens que ces policiers sont corrompus. Ils ne devraient pas faire partie de la police, vous savez.
Ainsi, en faisant congédier, licencier ces policiers et afficher leur corruption, je crée une dimension de paix dans ma tête ainsi que pour d’autres dans mon genre, et pour la communauté.