Je me suis sentie légère !
En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Myriam Boulahia (France).
J’ai douté tellement de fois de ma capacité à faire les choses, et malgré cela je continuais sans savoir comment.
Aujourd’hui, je suis bibliothécaire. J’accueille le public dans l’espace « Vie du Citoyen » d’une médiathèque, un espace dédié à l’échange des savoirs, très important pour la convivialité et la citoyenneté. J’accueille les usagers et les aide dans leur recherche de documents, je réponds à leurs questions. Ce que j’aime le plus, c’est le partage, être proche de celles et ceux qui en ont besoin. Je vois l’espace « Vie du Citoyen » comme une passerelle vers les autres étages de la bibliothèque.
Je ne pensais pas, avant, qu’il me serait possible un jour de connaître un espace où chacun peut prendre la parole et être reconnu, et d’y avoir ma place. Je suis heureuse au travail et si j’avais une belle histoire à écrire, ça serait celle-ci…
Tous les deux mois, nous avons une réunion professionnelle où tous les thèmes peuvent être abordés très librement. Ce matin-là, plusieurs collègues évoquent la question des publics que l’on reçoit à la bibliothèque. Le responsable du département des publics de la bibliothèque intervient pour souligner l’importance de l’accès à la culture pour les publics éloignés ; mes collègues parlent des jeunes qui n’ont pas l’habitude de venir à la bibliothèque.
Au fur et à mesure de la discussion, je sens que j’ai envie de parler, de dire enfin pourquoi la culture a pris une place si importante dans ma vie. Surmontant ma peur, je décide de prendre la parole : “ L’accès à la culture est effectivement très important dans mon quotidien. J’ai grandi dans une famille qui avait la vie difficile, où le livre était absent, parce qu’on ne pensait pas que c’était pour nous ”.
- “ Grâce à ATD Quart Monde et à la formation des médiateurs du livre, j’ai pu avoir accès à la culture. J’ai pu découvrir et apprendre des tas de choses. Les jeunes dont vous parlez, j’étais exactement comme eux. En arrivant à la bibliothèque en 1992, j’osais à peine dire bonjour, je ne parlais pas en réunion, je n’y trouvais pas ma place. Pouvoir dire ce que l’on pense, avoir accès aux savoirs, pouvoir être écouté et entendu, c’est ce que nous, familles du quart monde, nous souhaitons.”
“ C’est aussi pour cela que j’aime le travail que j’effectue à l’espace ‘Vie du Citoyen’, que je suis très attachée aux personnes que j’y accueille et au travail qui évolue pour accueillir toujours mieux les publics et leur permettre de participer à toutes sortes de projets. ”
En parlant, je tremblais, j’étais toute rouge. Je n’avais jamais dit à mes collègues ce que je leur ai dit ce matin-là. Je me suis sentie légère et surtout émue de leur écoute et de leur attention. J’avais longtemps espéré ce moment où j’ai pu enfin dire qui je suis, pourquoi j’aime ce que je fais et dans quels objectifs je le fais au quotidien.
Avoir pris la parole me donne encore plus de force et de conviction dans mon travail. C’est aussi une façon pour moi de dire merci à ATD car, sans toutes les personnes qui m’ont épaulée, soutenue, je n’aurais pas eu le courage de continuer.
Je suis enfin fière de mon parcours, de cette vie qui est la mienne.
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