« J’EXISTE », Projet culturel multidimensionnel au Luxembourg
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Temps de lecture : 6 minutes
Le droit à la culture
Lorsque l’on vit dans la grande précarité, l’accès au droit à la culture est pavé d’obstacles.
L’expérience de projets culturels conçus avec les personnes en précarité a renforcé la conviction que la reconnaissance des droits culturels est le levier qui permet aux plus démunis de prendre en main la réalisation de leurs autres droits, parce que toute culture est lien, réconciliation avec soi-même et autrui. Sans culture, pas de savoir qui soit un chemin vers soi et vers les autres. C’est par la participation effective à la vie culturelle de la société qui l’entoure que les personnes en marge de la société peuvent devenir de véritables partenaires. Ainsi, cette démarche contribue à la cohésion sociale.
- Lorsque l’on vit dans la grande précarité, l’accès au droit à la culture est pavé d’obstacles.
Lorsqu’en 1991, la Maison Culturelle Quart Monde a Luxembourg-Ville a ouvert ses portes, le combat pour l’accès à la culture est devenue le cœur des actions du Mouvement au Luxembourg. Dans la Maison Culturelle Quart Monde, qui est le lieu de rencontre, d’action, de formation et de documentation du Mouvement dans le pays, se rassemblent des personnes ayant l’expérience de la pauvreté et des personnes solidaires avec elles. Y sont réfléchies, planifiées et vécues (en partie) toutes les actions du Mouvement au Luxembourg, dont de nombreuses actions culturelles.
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Pour en savoir plus : L’accès à la culture à ATD Quart Monde Luxembourg
Le projet culturel actuel: « J’EXISTE »
Depuis quelques années, personnes en précarité et personnes solidaires, engagées dans le Mouvement, rêvent de créer ensemble et grâce à l’appui de professionnels, un « événement culturel public », dans lequel les capacités et talents des uns et des autres formeront un tout. Différentes étapes dans le passé (initiation au conte, initiation au théâtre, partenariat avec une compagnie de théâtre néerlandaise) ont amené les participants à rêver d’aller plus loin.
En se nourrissant des expériences faites en cours de chemin, une nouvelle et ultime étape a débuté en 2023 en collaboration avec les professionnels du collectif MASKÉNADA asbl avec comme objectif de présenter le fruit de ce travail au public en automne 2024.
Lors de cette étape, une première phase a eu lieu en été-automne 2023 avec dix ateliers, très variés et surprenants, animés par deux intervenants de MASKÉNADA asbl, auxquels ont participé, plus ou moins régulièrement, une trentaine de participants, militants et personnes solidaires. Nous vous présentons deux de ces ateliers.
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Feedback sur la première phase été-automne 2023
La reprise des ateliers-théâtre après les fêtes de fin d’année a été immédiate et attendue. Nous aimons nous retrouver à la Maison Culturelle autour du projet « J’EXISTE » et faire des activités ensemble. Nos rencontres nous manquaient. Travailler à un projet de tel envergure pour nous est important et nous nous investissons corps et âme.
- Travailler à un projet de tel envergure pour nous est important et nous nous investissons corps et âme.
« Carrousel d’idées » avec Mandy Thiery
Lors de la 1ère phase nous avions récolté des mots que nous associons à l’expression « J’EXISTE » et nous les avions écrit sur de grandes feuilles. Maintenait il s’agit de créer des histoires avec celles-ci.
Les règles sont pareilles pour chaque groupe mais nous avons eu du mal à démarrer. Mirka Costanzi, la responsable de MASKÉNADA asbl pour ce projet est venue à notre secours, elle passe entre les tables et suggère des pistes. Une des consignes est de choisir parmi les mots-clefs ceux qui font sens pour nous, les écrire sur la feuille et à partir d’eux écrire un texte ensemble. Les histoires doivent se construire comme un dialogue, avec des questions et des réponses.
C’est ainsi que quatre groupes se sont formés. Une fois que notre choix a été fait, le dialogue est lancé. Ensemble nous cherchons des pistes pour faire des belles phrases cohérentes entre elles, avec les mots que chacun de nous avait choisi.
Quatre belles histoires ont été créées : Le cour de la vie – Tenir ensemble – Viens allons au soleil – Patience
Dans les semaines qui ont suivi, nous avons travaillé lors de 2 autres « carrousels d’idées », sur les thèmes : Comment aller « du je au nous » ? et l’interview : avoir une voix – donner une voix – écouter une voix – ne pas avoir de voix.
« Am Kamellebuttek »
À la recherche de « comment laisser une trace pour mettre en valeur le message que nous aimerions faire passer dans la société », Mirka fait appel à un des graffeurs le plus connu au Luxembourg, Raphaël Gindt. Il peint depuis son plus jeune âge et ensemble avec son ami Daniel Mac Lloyd, ils ont créé le « Kamellebuttek ».
Deux ateliers de graffiti ont eu lieu au « Kamellebuttek ». La maison nous a été présentée comme celle des artistes de rue. Nous sommes impressionnés. Il y a des œuvres partout où l’œil se pose, tous très colorées. En les regardant avec attention, certains tableaux pouvaient refléter deux images. Dans les coins moins exposés, des petites sculptures à partir de conserves recyclées très colorées ornent les pièces.
Pour la plupart d’entre nous, c’est la première fois que nous touchons à cette forme d’art.
Qui n’a pas déjà vu un graffiti sur les murs en étant assis dans le train, ou sur les façades d’immeubles : maintenant c’est à nous d’en découvrir le secret.
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Raphaël nous invite dans son studio sous le toit. Autour d’une grande table, nous réfléchissons aux sujets qui pourraient prendre forme sur notre toile. Avant d’y aller franchement, il faut avoir au moins une idée qui se développera par la suite. Un tour de table est fait, nous sommes libres d’exprimer nos rêves et plus. Chacun de nous reçoit des bombes de couleurs différentes pour faire son premier essai.
Raphaël nous rappelle qu’il faut y aller doucement. La pression, il faut la sentir au bout des doigts. L’après-midi se passe bien, chacun de nous plonge dans son imaginaire.
Nous réussissons à peindre nos quarante centimètres sur la grande toile. Le résultat, nous le découvrirons à la prochaine rencontre.
Deux semaines après, nous sommes impatients de revivre avec Raphaël le graffiti et nous sommes accompagnés d’autres personnes qui veulent participer au projet.
Seba nous dit : « On y respire vraiment de l’art, je me sens important, j’ai envie de m’exprimer avec les couleurs. C’est mon truc, je plonge carrément dedans. »
Sheila ajoute : « Je ne connaissais rien de tout ça, je suis contente de faire des belles choses avec ATD, en même temps je me découvre petite artiste. Je n’imaginais pas que j’étais capable. »
Mona dit : « Je veux participer aussi. Je veux apprendre, je ne suis pas venue pour rien, je n’ai jamais eu cette opportunité de faire une belle activité. Ma journée ne sera pas vaine. »
Nous sommes avides d’en savoir plus, et posons beaucoup de questions à Raphaël sur comment il a découvert cet art. Il nous explique qu’il faut faire beaucoup de sacrifices et s’appliquer pour ce qu’on aime faire. Après un bref débriefing, nous exprimons ce qui est le plus important « pour toi – pour nous » !
Certains thèmes sont récurrents. Raphaël nous rassure « avec toutes vos idées nous allons faire un tableau unique ».
- Raphaël nous rassure « avec toutes vos idées nous allons faire un tableau unique ».
La suite
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Après une rencontre de bilan mi-mai, nous nous réjouissons que le projet continuera avec la phase « conception » et la phase « représentation ».
Le résultat de tout le processus du projet « J’EXISTE » a été présenté le 16 novembre 2024 à 18H30 à la Banannefabrik à Luxembourg-Bonnevoie.