Message de la Délégation générale du Mouvement ATD Quart Monde

Chers amis,

Voici quelques jours, en tentant de rejoindre l’Europe, plusieurs centaines d’hommes, de femmes, d’enfants mouraient noyés, tout près de l’île de Lampedusa en Italie. Ils fuyaient la faim, la souffrance de ne pouvoir faire vivre leur famille, l’impossibilité de pouvoir apprendre à l’école. Ils cherchaient la vie, avec l’espoir comme seul bagage.
Les sauveteurs, mais aussi les marins et tous les habitants de l’île qui se sont portés à leur secours, ont été bouleversés : beaucoup d’enfants décédés qu’ils ont retrouvés portaient des chaussures neuves. Leurs parents avaient voulu qu’ils voyagent beaux et dignes, prêts pour un monde où l’avenir semblait ouvert, où ils pensaient être accueillis avec le meilleur d’eux-mêmes.

Hier, dans la région parisienne, tout un groupe de familles venant d’Europe de l’Est était expulsé du lieu où elles avaient trouvé refuge et installé leurs abris de fortune. Elles aussi avaient fui la misère, et les voilà à nouveau chassées, poussées à l’errance. A quelques centaines de mètres de là, d’autres familles savent qu’elles doivent quitter leurs logements vétustes et voués à la démolition. Elles ne trouvent à ce jour nulle part où aller. Est-ce parce qu’elles sont trop pauvres que personne ne veut d’elles, que la ville cherche à les envoyer « ailleurs » Mais quel ailleurs ? Combien de millions de personnes sont-elles ainsi maltraitées, repoussées sans cesse, considérées comme de trop en ce monde alors qu’elles ne cessent de se battre pour vivre dignement, élever leurs enfants, rester solidaires de leurs voisins ?

Au cœur de l’immense catastrophe humaine qu’est la misère, monte un appel qui se fait encore plus pressant aujourd’hui : de plus en plus de personnes ont conscience de la nécessité de construire un monde nouveau, plus juste et respectueux de chacun, mais avec qui allons-nous le construire ?

Allons-nous le construire avec ces familles chassées de partout qui ont pourtant le droit d’habiter la terre ? avec les parents vivant dans des quartiers délaissés, qui ne peuvent trouver le sommeil tant est grande leur inquiétude pour leurs enfants ? Comme Doña Maria de l’Amérique Latine qui pleure d’angoisse parce que sa fille de 16 ans est partie sans laisser de nouvelles, et qui nous dit : « J’ai toujours tout fait pour protéger mes enfants de la faim, mais cela ne suffit pas. Nos efforts, seuls, ne suffisent pas. »

Allons-nous le construire avec les jeunes qui voient leur monde se réduire, sans aucune perspective et qui souffrent de ne pouvoir apporter leur vision et leur capacité d’innover ? Dans plusieurs lieux du monde, là où la vie est particulièrement difficile à cause du manque de tout et parfois de la violence de conflits armés, nous les voyons aller à la rencontre des enfants, avec des livres, donnant le meilleur d’eux-mêmes, partageant leur savoir, créant l’amitié.

Allons-nous le construire avec toutes les personnes que les systèmes économiques condamnent au chômage chronique, aux emplois incertains, aux conditions de travail destructrices et humiliantes, et qui s’usent à inventer au jour le jour des solutions pour faire vivre leur famille et prendre en main leur environnement ?

En ce 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, nous réaffirmons que c’est avec les adultes, les jeunes, les enfants, qui résistent jour après jour à la violence de la grande pauvreté, que nous allons marcher, convaincus que c’est avec eux, que nous pourrons réaliser l’aspiration la plus profonde de notre humanité : vivre en paix parce que chacun est reconnu dans sa dignité.

Nous unirons nos efforts pour poursuivre la recherche de ceux qui manquent encore pour que leur courage, leurs espoirs, leurs expériences soient reconnus et qu’ils puissent avec leur intelligence participer pleinement à développer un vivre ensemble où chacun grandit en humanité.

Nous unirons nos efforts pour continuer à partager nos savoirs, entre tous sans exception, et faire advenir une école qui se hissera à la hauteur de l’intelligence de tous les enfants et de leur capacité à créer l’amitié.

Nous unirons nos efforts pour contribuer à une économie respectueuse des personnes et de la Terre, une économie qui valorise les initiatives et la capacité d’innover de chacun et permette que tous puissent accéder aux sécurités nécessaires à sa vie et à celle de sa famille. Une économie qui protégera les ressources limitées de notre planète et sa biodiversité, qui encouragera le partage, la solidarité et la coopération.

Nous unirons nos efforts pour développer des espaces de rencontre et des outils pour communiquer avec tous afin de soutenir les engagements humains et les courants de solidarité, de plus en plus nombreux, qui font déjà bouger le monde.

Voilà nos Engagements Communs pour les années 2013-2017. Ils sont détaillés dans le document joint à ce courrier. Nous les avons définis ensemble, entre membres du Mouvement, avec enthousiasme et confiance. Ils sont nourris de toutes les actions et les travaux que nous avons réalisés ces dernières années, mais aussi de l’espoir qui habite en chacun de nous. Ils sont beaucoup plus qu’un programme, ils nous lient ensemble pour les années qui viennent afin de construire ce monde que nous voulons.

En ce 17 octobre 2013, nous voilà prêts à les partager avec tous, là où nous sommes.

Nous vous disons toute notre amitié.

Isabelle Pypaert Perrin

Documents associés