La bataille pour la couverture maladie universelle (CMU) en France
En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Bruno Tardieu (France).
Jusqu’en 1998, en France, beaucoup n’avaient aucune couverture maladie. La Sécurité sociale était réservée à celles et ceux qui avaient travaillé régulièrement. En cas de maladie, ceux qui étaient privés d’emploi devaient recourir à des dispensaires, à des aides ponctuelles, ou aller aux urgences. Ils ne pouvaient pas se permettre des opérations importantes, ni même aller chez le dentiste.
Suite au vote de la loi d’orientation contre les exclusions en juillet 19981, ATD Quart Monde a décidé de concentrer ses efforts sur le droit à la protection de la santé pour tou-te-s, et a lancé l’idée d’une « couverture maladie universelle ».
De nombreuses voix se sont alors élevées contre cette proposition, avec deux sortes de critiques.
La première rappelait que la Sécurité sociale donne droit aux soins à celles et ceux qui ont cotisé. Comment imaginer que des gens, au parcours de travail chaotique, n’ayant cotisé qu’épisodiquement, bénéficient des mêmes droits que les autres ? Paul Bouchet, à l’époque Président d’ATD Quart Monde et ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, a alors expliqué que
- Un droit qui n’est pas universel demeure un privilège et se révèle dès lors fragile.
Il le savait bien, lui qui, au sortir de la guerre, avait été à l’origine de l’accès des étudiants à la Sécurité sociale, bien qu’ils n’aient pas cotisé préalablement. Et s’appuyait sur un projet pilote mené à Nancy qui montrait que donner accès à tou-te-s aux soins améliorait grandement la santé et ne coûtait pas plus cher.
Par ailleurs, des organisations humanitaires s’opposèrent à cette idée de CMU : « Nous soignons les gens dans nos dispensaires, nous le faisons très bien, pourquoi s’encombrer d’administratif ? ». Le Mouvement ATD Quart Monde a répondu que leur travail était de qualité, mais que cela rendait les gens dépendants des associations et de leurs donateurs. D’autre part, pour les personnes en situation de pauvreté, pouvoir aller chez le médecin ou à l’hôpital comme tout le monde est à l’évidence une garantie de qualité supérieure. C’est aussi pour elles l’expérience sociale libératrice majeure de ne plus être traités à part.
Le gouvernement a suivi de près ces débats et a décidé de travailler avec ATD Quart Monde pour rédiger un projet de loi pour une couverture maladie universelle : la CMU. Une complémentaire santé pour les plus démunis a été adoptée par le Parlement le 27 juillet 1999. Des militants, soignants et chercheurs suivent de près l’application de cette loi.
Depuis, les personnes précaires peuvent aller chez les mêmes médecins et dentistes que tout le monde, bien que rencontrant encore des résistances. Comme le dit Marie France Zimmer,
- Pour les personnes, la certitude d’avoir le même droit que les autres n’a pas de prix. Tant que le droit n’est pas là, effectif, vérifiable, la personne reste dans la dépendance du bon vouloir des autres, avec le sentiment d’être traitée différemment, en inférieur,
Ce qui n’aide pas à prendre soin de soi.
Pour plus de détails voir le livre ‘Quand un peuple parle’.
Écouter l’interview sur RFI de Paul Morrachini, infirmier, sur le combat pour la CMU.
Pour connaître d’autres 1001 histoires de changement, visitez le blog.