La dignité relogée
En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue.
L’histoire qui suit a été écrite par Alison Mas (France).
J’ai entendu parler de Kaltenhouse dans un article du journal local. Ma première pensée a été : comment a-t-on pu laisser des familles vivre dans de telles conditions pendant si longtemps ? En effet, non loin de l’aérodrome de Haguenau, s’étendait, il y a encore peu de temps, un bidonville peuplé de Tziganes, créé en 1956. Ces familles vivaient sans eau courante, sans électricité, sans chauffage. Leurs abris de fortune laissaient passer le froid : difficile d’élever ses enfants dans ces conditions.
Ces personnes ne se plaignaient pas, probablement par peur des conséquences ou bien par manque d’espoir. Elles s’étaient résignées à vivre ainsi.
En 1996, Elisabeth, assistante sociale à l’école de Kaltenhouse et membre d’ATD Quart Monde, s’inquiète de l’état de santé et d’hygiène des enfants. Elle alerte le maire de Kaltenhouse ainsi que le préfet et un député. C’est le début d’un long combat.
Malheureusement, il n’y a alors aucun terrain disponible pour un relogement tous ensemble. Pour les Tziganes, la famille et la communauté sont le centre de tout et les familles ne veulent pas être séparées.
Scandalisés par les conditions de vie indignes qu’ils découvrent, des membres d’ATD Quart Monde et d’autres associations, ainsi que des citoyens, créent en mars 2000 « le Comité de Kaltenhouse », dans l’espoir de changer les choses. Grâce à leurs démarches administratives, en décembre de la même année, un point d’eau est installé dans le campement. C’est une première victoire.
La situation piétine et les habitants commencent à perdre espoir. Élisabeth vient souvent les voir pour leur dire de ne pas baisser les bras. En 2002, le nouveau sous-préfet obtient une déclaration d’insalubrité publique. Mais le souhait des familles ne peut toujours pas être réalisé : elles ne peuvent être relogées sur ce même terrain qui est inconstructible à cause de la proximité de l’aéroport.
En 2008, l’espoir revient. En effet, ATD Quart Monde et la FEANTSA (Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri) se rendent à Strasbourg pour rencontrer le Comité Européen des Droits sociaux et montrer le campement de Kaltenhouse. La France est alors condamnée pour non respect de la Charte sociale européenne. Le nouveau maire de la ville, Étienne Vollmar, fait voter par son conseil municipal, à l’unanimité, une modification du P.O.S (Plan d’Occupation des Sols) qui rend alors le terrain constructible.
Puis tout s’accélère. L’Opus 67 (Office Public d’Urbanisation Sociale du Bas-Rhin) prend en charge la maîtrise du lotissement. Des réunions sont organisées pour discuter avec les familles de la répartition des logements. Les habitants du campement sont enfin écoutés et ont un droit de parole et de choix quant à leur nouvelle vie. C’est ainsi que sont créés 23 pavillons.
En novembre 2015, c’est la fin d’un combat qui a duré près de 20 ans. Les familles, dont la plupart n’ont connu que la précarité depuis 1956, ont enfin un vrai toit au-dessus de leur tête et peuvent offrir une vie meilleure à leurs enfants.
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Photos : © ATD Quart Monde