La Femme du Quart Monde, une Inconnue

En 1975, s’est tenue la première Conférence mondiale sur les femmes à Mexico coïncidant avec l’Année internationale de la femme. Une petite délégation du Mouvement ATD Quart Monde, dont Joseph Wresinski et Alwine de Vos, y a participé.

Pour se préparer à cette rencontre, dès 1974, des membres du Mouvement ATD Quart Monde ont participé à des réunions organisées par l’ONU. Le document « La femme du Quart Monde, une inconnue » a été produit dans ce contexte. Rédigé comme « un projet d’une étude sur la femme du Quart Monde », il a été présenté à la conférence de Mexico. Lors de cet évènement,  Alwine de Vos et Joseph Wresinski  ont aussi présenté la Charte de la femme du Quart Monde élaborée lors des différentes rencontres de militants Quart Monde.

Nous présentons ici un extrait de ce document pionnier « La femme du Quart Monde, une inconnue » d’Alwine de Vos Steenwijk et de Joseph Wresinski, produit en 1974.

Une femme prisonnière

 […] Trop démunie pour se conformer de façon tant soit peu satisfaisante au langage, aux attitudes et comportements de la société qui l’entoure et dont elle est issue, la population du Quart Monde est jugée, condamnée, refoulée, en Occident comme en Inde, en Amérique latine, dans les pays de l’Est.

Exclue de nos analyses culturelles et politiques comme de nos combats sociaux, elle abrite (si l’on peut dire) la femme la plus dépouillée, la plus prisonnière de toutes.

Cette femme n’est même pas considérée comme partie prenante de la condition féminine dans son pays, moins encore comme alliée possible dans le combat commun. Sa situation n’est pas enregistrée ni analysée. […]

Réprouvée parce que paupérisée au point d’être devenue méconnaissable pour ses consœurs, sa condition fera-t-elle néanmoins l’objet d’échanges prévus pour l’Année de la Femme ? Ne devrait-elle pas, plus que toutes les autres, être au cœur de nos préoccupations de cette année-là ?

Car c’est sur elle que pèsent toutes les déficiences et injustices de la société qui l’entoure. Puisqu’elle porte, à la fois, le poids des insuffisances de la condition féminine dans son pays et le fardeau de toutes les inégalités et privations inhérentes à la stratification sociale dont son milieu est prisonnier.

Nous savons que, quel que soit le pays, plus on descend l’échelle sociale, plus les servitudes de la condition de la femme se font lourdes et moins elle trouve les moyens de s’en défendre.

Même les dérivatifs susceptibles d’en adoucir les peines dans l’immédiat se raréfient. Tout au bas de l’échelle, la femme n’est pas seulement privée de rôles sociaux, civiques et politiques, comme enchainée à ses tâches d’épouse et de mère. Elle est aussi privée de la plénitude même de ces tâches-là. […]

La fragilité des acquisitions

Au plus bas de l’échelle sociale, le problème de la condition féminine se pose dans sa globalité, sous tous ses aspects, dans ses formes les plus graves. Elle ne laisse dans l’ombre aucune faille de la société qui tolère pareille situation et, seule, elle révèle la totalité des changements à entreprendre.

[…] Tant que durera la condition de la femme du Quart Monde, aucune femme ne sera réellement à l’abri.

Car ce qui peut être refusé à la femme au bas de l’échelle sociale n’est pas devenu un droit inaliénable pour toutes les femmes. Selon les vicissitudes de la vie, elles peuvent donc toutes en être encore privées. La femme du Quart Monde met en lumière la fragilité des acquisitions de la femme tout court.

Extrait de La Femme du Quart Monde, une Inconnue d’Alwine de Vos Steenwijk et de Joseph Wresinski (Éditions Science et Service, 1974, Pierrelaye).


Dessin : Samwaki © Hélène Perdereau

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