« Le remède de l’homme, c’est l’homme »
Extrait du livre « Les plus pauvres, révélateurs de l’indivisibilité des droits de l’homme » de Joseph Wresinski, Éditions Quart Monde, 1988, pp. 50-52.
Découvrir un héritage commun
« Le remède de l’homme, c’est l’homme » affirment nos amis d’Afrique. Dans cette perspective, tous les hommes, quelles que soient leurs philosophies et croyances, ont vocation et mission de faire droit aux plus démunis. À partir d’une telle prise de conscience, la réflexion et l’expérimentation en matière de Droits de l’Homme ne pourraient-elles pas prendre un nouveau départ ? Riches et pauvres d’un même pays, peuples riches et pauvres de tous pays auraient des chances, sur ces bases, de se trouver un peu plus à égalité, de mieux découvrir l’héritage commun qui justifie les grandes déclarations et conventions internationales et qui, seul, peut en garantir une application commune sincère.
- Ce n’est peut-être pas tant d’un enseignement sur les Droits de l’Homme dont le monde a besoin, mais plutôt d’une recherche commune sur ce qui rend chaque homme en soi mais aussi tous les hommes entre eux indivisibles, nécessairement unis et coresponsables des droits à s’accorder mutuellement.
L’indivisibilité des droits fondamentaux
Pour ma part, je puis affirmer (…) que les plus pauvres m’ont apporté un enseignement essentiel sur cette indivisibilité en toutes choses. Ils m’ont d’abord appris que nous n’avancerons pas dans la compréhension de la grande pauvreté en la parcellisant d’après les frontières géographiques. Quand nous leur donnons la parole, eux-mêmes nous disent bien plus ce qui les unit, à savoir l’impossibilité d’être fiers de leur identité, de leur histoire, l’interdiction de toute appartenance qui ne soit pas négative ou même, honteuse.
Ils nous disent, dans tous les continents, l’impossibilité de vivre en frères avec d’autres hommes tant que ceux-ci ignorent qui vous êtes.
L’enchaînement inexorable des précarités, voire des impossibilités de vivre – en homme et en famille – m’a fait toucher du doigt l’indivisibilité des droits fondamentaux à leur reconnaître, si nous voulons qu’ils acquièrent la liberté.
Droit et coresponsabilité
Plus important encore, peut-être, les populations en grande pauvreté dans tous les pays expriment leur conviction que vivre en homme, en frère, en citoyen, signifie pouvoir assumer des responsabilités. Pour elles, les droits fondamentaux prennent leur vrai sens et ne trouvent leur pleine réalisation que s’ils leur permettent d’être responsables, c’est-a-dire travailleurs reconnus, parents en mesure d’élever leurs enfants, membres utiles d’une communauté, hommes et femmes participant au devenir de leur pays. Ainsi, ils ne nous apprennent pas seulement l’indivisibilité des droits et des responsabilités, mais aussi la coresponsabilité qui signifie l’indivisibilité entre les hommes et les peuples.
- Pour les plus pauvres de tous pays, tous les hommes ont part à une même mission de contribuer à une communauté nationale et internationale « où nos enfants puissent vivre », « où tous les hommes se tiendraient la main »… Mission concevable à partir de toutes les croyances qui se rencontrent dans les Nations Unies.
Vers une nouvelle alliance
Ne serait-ce pas, en fin de compte, autour des plus pauvres et de la mission qu’ils voudraient assumer avec nous, que se décidera l’avenir des Droits de l’Homme ? Pour les réaliser, une nouvelle alliance, de nouveaux partenaires nous sont proposés. Quelle chance pour le monde si nous avions la volonté de les accepter.
Photo : Joseph Wresinski pendant l’Année de la Jeunesse, 1985 © ATD Quart Monde / Centre Joseph Wresinski / 6411-009-004_008