L’égalité dans l’engagement auprès des plus pauvres
La pauvreté s’exprime de différentes manières dans les différentes parties du monde, et pourtant on peut aussi y trouver des similitudes. C’est ce que Maya nous partage en comparant son expérience de lutte contre la pauvreté au Liban et au Canada.
Maya a rejoint le volontariat d’ATD Quart Monde après avoir travaillé au Liban auprès des enfants, des jeunes et des familles en situation de pauvreté à Beyrouth. Pour le contexte de son parcours, lisez la première partie de ce texte dans la Revue Quart Monde.
[…] « J’ai beaucoup appris à Beitouna au Liban…»
En 2017, j’ai pris le relais de Sœur Thérèse au Centre Beitouna. J’ai vécu pendant cinq ans avec les familles qui avaient marqué ma vie en 2010. Tout au long de ces années, j’ai côtoyé des familles en situation de pauvreté : des familles que je connaissais déjà et des nouvelles. J’ai beaucoup appris d’elles, de leurs vies et de leur quotidien. Elles m’ont appris ce que signifie marcher avec elles chaque jour. Elles m’ont aussi appris ce qu’elles vivent.
Par exemple, je suis allée visiter une maman qui a deux filles. L’une avait 2 ans et l’autre était âgée de quelques mois. On s’est rencontrées dans la rue et je suis allée avec elle jusqu’à la pharmacie. Pour l’aider, j’ai pris la plus jeune. Quant à elle, la maman tenait sa fille de 2 ans par la main. La rue où elle habitait était pleine de gens. Comme ses habits étaient vieux et sales, j’ai vu comment les gens la regardaient. Leur regard était plein de jugement, surtout en constatant sa situation familiale. Accompagner des personnes en situation de pauvreté, c’est aussi accepter de faire face à ce genre de situation. De marcher avec ces personnes, c’est s’opposer à l’humiliation et au manque de respect envers elles. On marche pour changer ces comportements. Cet exemple m’a fait réaliser encore davantage que chaque personne a sa place dans la société tout en tenant compte des valeurs qui lui sont propres, de ses talents et de sa dignité.
Mon engagement à Beitouna m’a permis de rencontrer des volontaires d’ATD, de créer des liens et de me familiariser avec l’esprit du Mouvement. Alors, j’ai décidé de m’engager dans le volontariat pour ces valeurs qui me rejoignent. Ces valeurs m’interpellent parce que je n’en ai pas connu de pareilles dans d’autres associations. Parmi les associations pour lesquelles j’ai travaillé dans le passé, les personnes étaient considérées comme des nombres et des bénéficiaires. En effet, les donateurs regardent les chiffres, mais ils ne regardent pas les personnes et leurs situations.
« Accompagner des personnes en situation de pauvreté, c’est aussi accepter de faire face à ce genre de situation. De marcher avec ces personnes, c’est s’opposer à l’humiliation et au manque de respect envers elles. On marche pour changer ces comportements. »
Puis au Québec…
En 2023, je suis arrivée au Québec. C’est en arrivant à Montréal que j’ai commencé à découvrir ce pays. Cette ville est tellement différente d’où je viens : la culture, la langue, et surtout, la société me paraît beaucoup plus individualiste. Avec ATD au Canada, je constate les différences entre la pauvreté vécue au Canada et celle qui est vécue au Liban.
J’ai commencé à chercher la meilleure façon de m’approcher des personnes en situation de pauvreté. L’une de mes idées était d’aller dans une banque alimentaire. À cet endroit, j’ai découvert que malgré le fait que le Canada est un pays plus riche que le mien, il y a tant de personnes qui manquent de nourriture. Je n’ai pas pu accompagner et connaître ces personnes parce que les gens venaient chercher leurs vivres et repartaient aussitôt. De nouveau, je me suis retrouvée dans le même genre de situation que celles que j’avais déjà vécues au Liban avant d’être à Beitouna. Or, je ne voulais plus revivre cela.
Néanmoins, j’ai pu reconnaître de petits gestes de solidarité dans cette banque alimentaire. Entre autres, j’ai vu une maman qui était venue chercher ses affaires de la banque alimentaire en voiture. Au même moment, il y avait un jeune homme qui peinait à porter ses propres affaires, tellement c’était lourd. Il essayait de marcher avec tout cela pour se rendre chez lui. En voyant la dame dans sa voiture prendre la même rue que le jeune homme, je me disais : « Elle va s’arrêter. Elle va s’arrêter! » C’est ce qui est arrivé. Elle s’est arrêtée et lui a proposé de monter avec elle.
Pour ma part, je trouve qu’ici comme au Liban, les personnes dans la pauvreté ne sont pas uniquement des personnes dans le besoin. Elles ont aussi une vie et un rôle important dans la société : elles réfléchissent, elles ont des idées, des talents, des droits et des devoirs. […]
Malgré les efforts d’ATD Quart Monde pour que tous ses volontaires aient accès au mêmes possibilités, entre autres de pouvoir changer de mission et de pouvoir choisir librement de joindre ou de quitter le volontariat, des injustices hors du contrôle du Mouvement empêchent de vivre cet idéal. Nous en parlons pour que les choses changent et pour trouver des pistes de solutions aux défis que Maya, volontaire d’origine libanaise en mission au Canada, soulève.
Allez plus loin en découvrant la suite de la réflexion de Maya sur les inégalités dans la liberté des volontaires selon leur citoyenneté d’origine dans la Revue Quart Monde N°269, numéro dédié au volontariat.
Au Moyen-Orient, il y a une grande population qui vit dans la misère. Ainsi ATD pourrait aller encore plus loin dans sa mission de combattre la misère partout dans le monde.