Les plus pauvres, défenseurs méconnus des Droits de l’Homme | Isabelle Pypaert Perrin
« Les Droits de l’Homme forment un tout dont les éléments sont liés de façon indissoluble : si un seul droit est négligé, tous les autres sont compromis. Pour cela même, la grande pauvreté, la misère, la famine représentent les violations les plus répréhensibles de toutes. Les Droits de l’Homme ne sont pas l’affaire seulement des États individuels, mais l’affaire de la communauté internationale, de la communauté des États mais aussi de celle des Hommes et des peuples. » Joseph Wresinski
70ème anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme
Cette année, la journée internationale des droits humains célèbre également le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, un document fondateur qui a proclamé les droits inaliénables de chaque individu en tant qu’être humain, sans aucune distinction. Elle présente des valeurs universelles et un idéal commun à atteindre par tous les peuples. Elle établit l’égalité en dignité et en valeur de tous les êtres humains.
Une mention spéciale pour le Mouvement ATD Quart Monde
A cette occasion, l’association AFNU, l’association française pour les Nations Unies, a remis aujourd’hui un Prix des Droits de l’Homme à la CIMADE, mais a honoré également le Mouvement ATD Quart Monde par une « mention spéciale ». Elle a été remise à Isabelle Pypaert Perrin, déléguée générale du Mouvement International ATD Quart Monde.
Les plus pauvres, défenseurs méconnus des Droits de l’Homme
Cette mention honore les défenseurs inconnus des droits humains , celles et ceux que Joseph Wresinski a contribué à faire connaître quand il a fait ce lien entre extrême pauvreté et Droits de l’Homme.
Dans son allocution, Isabelle Pypaert Perrin est revenue sur cet apport novateur du Mouvement ATD Quart Monde dans la lutte pour les droits humains :
« Recevoir cette mention spéciale du Prix des Droits de l’Homme de l’Association Française pour les Nations Unies est un immense encouragement.
Les Nations Unies, c’est un peu chez nous. De plus en plus, les familles les plus pauvres y sont accueillies comme des partenaires. Ces dernières années, nous avons contribué avec elles à ce que la communauté internationale se dote d’un agenda 2030 qui se donne pour ambition de mettre fin à la misère en ne laissant personne de côté.
C’est une fierté de recevoir cette mention aux côtés de nos amis de la Cimade.
Nous partageons un même combat pour l’égale dignité de tous, une même conviction que celles et ceux qui sont confrontés chaque jour à l’intolérable de la misère comme de l’exil font avancer le monde et lui apprennent la liberté, la justice et la fraternité.
En 1987, Joseph Wresinski faisait graver ces mots dans le marbre du parvis des Droits de l’Homme et des libertés à Paris : « Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l’Homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».
En affirmant que la misère est une violation de tous les droits humains, il a hissé les personnes en situation de pauvreté au rang de défenseurs des Droits de l’Homme.
C’est une maman de Bukavu qui fait vivre sa famille en portant sur son dos de lourdes charges à travers les collines : elle est porte-faix. Elle n’a rien à donner à sa voisine quand celle-ci est écrasée par trop de difficultés. Alors, elle lui dit : « viens avec moi » et elle partage avec elle son travail et son salaire.
Ce sont les jeunes de Bangui qui, au plus fort de la crise dans leur pays, ont bravé les balles avec des livres dans leurs sacs à dos pour rejoindre les enfants sur les sites de déplacés et animer des temps de partage du savoir. Ils nous disaient : « nous ne voulons pas que l’intelligence de nos petits frères et sœurs se perde dans ces temps de violence ».
Ce sont des adultes de Suisse qui revisitent leur histoire et celle de leur pays qui a accepté pendant des décennies que les enfants des familles pauvres soient arrachés aux leurs, envoyés dans des fermes, maltraités dans des institutions. Ils refusent qu’à cause de la misère, aujourd’hui encore on continue de séparer parents et enfants.
Ce sont des personnes qui se mettent ensemble pour refuser l’inutilité, prendre en charge leur environnement, et créer des territoires sans chômage de longue durée en France.
Cette mention que nous recevons aujourd’hui honore ces défenseurs des Droits de l’Homme, à la résistance souvent silencieuse.
En ce 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, alors que le monde fait face à de si grands défis, nous sommes invités à nous associer avec ces défenseurs méconnus des Droits de l’Homme pour penser notre vie commune.
Avec eux, nous pourrons inventer un monde vivable où personne n’est plus mis à l’écart, interdit de séjour, exilé de la communauté humaine. Avec eux, nous pourrons donner à notre terre un avenir durable. »