Nos chaînes sont tombées en créant ensemble
ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Normalement, les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective, mais dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Moïse Compaoré après une rencontre des détenus du Camp pénal de Bouaké (Côte d’Ivoire) avec Joseph Wresinski.
Un détenu, quand il devait sortir, il sortait avec la chaîne aux pieds. Et même pour aller se faire soigner, tu devais sortir avec la chaîne aux pieds.
Les détenus se demandaient comment faire pour s’unir, alors que toute la vie dans la prison consistait à s’enfoncer les uns les autres.
- L’amitié, c’était pas possible. Il y avait la suspicion, l’extrême violence, tout le monde marchait avec son couteau, tout le monde se méfiait de tout le monde. Comment on peut s’unir dans ces conditions ?
Au sein d’ATD Quart Monde il y avait des clubs du savoir qui voulaient être un lieu de partage de savoirs : “Voilà, que ceux qui connaissent quelque chose apprennent à ceux qui ne connaissent pas”.
On se demandait mais, qu’est-ce qu’on a à apprendre en prison ici ? On cherche à manger, à vivre.
Sœur Simone a amené la craie, et puis ils ont commencé, sur les murs à apprendre et même sur les portes, dans les cellules, à apprendre à lire à ceux qui ne savaient pas lire. D’autres sont venus : « Ah, moi je sais faire du théâtre ». La misère a cela de terrible, elle déforme l’Homme. Tu deviens comme une bête.
Après l’alphabétisation et le théâtre, d’autres sont venus, ils ont commencé à faire de la sculpture : « Ah, c’est ce que moi je faisais en ville », alors sœur Simone ramassait du bois et lui disait de commencer à sculpter. Elle nous demandait toujours de donner le meilleur de nous mêmes. Ça, on ne le comprenait pas souvent… « c’est en faisant de belles choses que vous serez considérés. »
- Ce club des savoirs a montré que quand les gens se mettent ensemble, les choses peuvent changer.
Sœur Simone invitait à venir vers nous, pas pour nous donner à manger ou nous faire des cadeaux, mais tout simplement pour échanger avec nous, nous respecter.
La Ministre de la justice, Jacqueline Oble, est venue à la prison et sœur Simone lui a montré une sculpture que Soro avait fait. C’est ainsi que la sculpture a été installée à la basilique Notre Dame de Yamoussouko. Cela faisait l’honneur des détenus, ça faisait l’honneur des surveillants, l’honneur de l’Église de Bouaké et l’honneur du pays.
C’est à partir de là que le regard de l’administration pénitentiaire, des autorités, des surveillants a changé. Nous-mêmes, on a commencé à croire en nous.
Depuis, chaque année, il y a un pèlerinage qui rassemble des chrétiens, des musulmans… toutes religions confondues. C’est une grande fierté pour nous de savoir que tous les gestes que nous avons posés, cette solidarité que nous avons bâtie, elle vit toujours.
Pour connaître d’autres 1001 histoires de changement, visitez le blog.
Pour en savoir plus sur les actions en Côte d’Ivoire
j’ai apporté mon soutien moral par l’intermédiaire de courriers, ça faisait ouvrir une fenêtre dans ce monde carcéral de Bouaké.
Guy Combot, un ami de Moise