Un nouveau jour se lève
En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue.
L’histoire qui suit a été écrite par Blaise Ndeenga (Cameroun).
À l’occasion de la célébration de la Journée de l’Enfant Africain, le 16 juin 2016, un groupe de jeunes qui regroupe des ex-détenus, ‘les amis de Mandela’, a organisé un événement pour informer le public de leurs activités.
Le responsable de ce groupe a pris la parole :
» Chers amis, nous sommes tous des anciens détenus mineurs, entre 17 ans et 22 ans. Chacun de nous a connu un séjour d’au moins six mois en prison. Certains ont été condamnés, d’autres sont restés en détention provisoire sans jugement… Qu’importe ! Nous sommes libres et nous ne voulons plus aller en prison… La société ne cesse de nous rejeter. Nous sommes caricaturés, insultés, discriminés. La prison nous a cassés mais la société nous fracasse.
- Il était temps pour nous de se reconstruire, d’écrire une nouvelle histoire et de se forger une place dans la société. Pour cela il a fallu qu’on se regroupe. Nous n’avions rien… Mais nous avions notre intelligence, notre solidarité, notre complémentarité, notre sens de la débrouillardise… Nous avions la conviction que seul on va vite, mais à plusieurs on va loin.
En prison, nous avons reçu des apprentissages : vannerie, sculpture, peinture et menuiserie. Il fallait développer nos différents talents. Nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Nous étions sans argent ni soutien… La nature, les fouilles dans les poubelles, les matériaux récupérés ci et là étaient notre matière première. Il fallait donner forme, beauté et attirance à nos objets. Notre sens de la créativité, nos mains et notre complémentarité sont nos armes… et le résultat est l’originalité de nos œuvres.
Nous avons commencé à exposer nos œuvres au détour d’une route qu’aimait emprunter les expatriés. Beaucoup en furent impressionnés… et de fil en aiguille nous avons eu un réseau de clients.
Aucun d’eux ne connaissait notre histoire. La question rituelle tournait autour de notre formation : de quelle école sortez-vous ? Un jour je donnais cette réponse à une dame qui insistait pour que son fils vienne se former dans notre ‘école’: “ Nous sortons de l’école de la prison ». Elle répliqua : “ Comment ça ? Ça se trouve où ? ”
Je lui répondis : « Nous sommes des ex-détenus et tout cela nous l’avons appris en prison. Nous voulions montrer qu’après la prison, il y a une vie, de l’espoir et des rêves à réaliser… Nous voulons être uniquement des citoyens ordinaires dans une société qui ne nous fait pas de cadeaux… »
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