Dans une petite communauté rurale du Brésil un développement à dimension humaine

Dans cette photo de gauche à droite : Eduardo avec son dernier fils, Mariana, Maya et Solange.

Avec leurs trois enfants, Mariana Guerra et Eduardo Simas, brésiliens, partagent la vie modeste des villageois et vont à la rencontre de communautés indigènes et de Sans-terre1, avec l’idée de faire avancer ensemble la lutte contre la misère.

Eduardo, 39 ans, et Mariana, 37 ans, sont depuis cinq ans à Mirantão, un village à 1100 mètres d’altitude dans l’état de Minas Geiras, bien loin des plages de Rio. Ils connaissent presque tout le monde et sont appréciés du millier d’habitants disséminés dans la montagne. Dans leur vieille petite voiture, ils croisent des fermiers à pieds, des éleveurs à cheval et des vaches en liberté.
Comme toutes les équipes d’ATD Quart Monde, ils ont le souci des plus exclus. Ils n’hésitent pas à faire des kilomètres pour aller voir Donga qui n’a pas encore l’électricité, Julia qui cuisine au feu de bois, Paola dont le fils est en prison. Avec simplicité et humanité, ils sont à l’écoute de chacun.
Mariana participe à une réunion de mères de famille pour réclamer qu’une cinquième classe soit créée à l’école du village. Sans cela, des enfants sont obligés d’aller à la ville la plus proche, à plus d’une heure de bus.
Il y a aussi un chantier communautaire pour monter les murs en terre de la nouvelle habitation d’une famille. Adultes et enfants bêchent la terre, la tamisent, puis, à la main, ils projettent la terre mouillée sur les roseaux tressés. Des mamans ont apporté de la nourriture et cuisinent tout près. Ce n’est plus un travail, c’est une fête.

Avec les parents d’Eduardo, qui habitent Petropolis, dans la banlieue de Rio, le couple de volontaires et quelques alliés animent aussi une bibliothèque de rue dans une favela.

Dans l’état de Bahia, Eduardo et Mariana soutiennent des Indiens. Discriminés, au Brésil ils sont considérés comme inférieurs par les descendants des colonisateurs venus du Portugal. Organisés en grandes familles, ils élèvent des animaux, cultivent manioc et pommes de terre, chassent et pêchent en pleine nature.
Maya défend la cause des Indiens dans une réserve de plus en plus menacée. Les lobbies de l’agro-business poussent à revenir sur les lois de protection de l’environnement et de défense des plus pauvres, votées sous la présidence de Lula.

Dans une autre région, Eduardo et Mariana sont liés avec une communauté du mouvement des Sans-terre. Ils sont devenus très amis avec Solange et les 52 familles qui travaillent ensemble la terre. Ils produisent bio et privilégient la diversification des cultures, la reforestation, les plantes médicinales, le café et le chocolat. Chaque famille a de quoi se nourrir et le surplus est vendu à des prix accessibles aux plus démunis. Le mouvement des Sans-terre construit aussi des écoles et des dispensaires, et forme des agriculteurs et des éducateurs.

  • « C’est important de faire le lien entre les habitants de Mirantão, les Sans-terre, les Indiens, tous ceux qui agissent pour un monde plus fraternel, soulignent Mariana et Eduardo, leurs capacités, leur dynamisme donnent de l’espoir et ouvrent des chemins… »

 

Vivre l’attention à l’autre et le partage

Eduardo et Mariana

Nous avons connu ATD Quart Monde en 2004 et après des expériences vécues au sein du mouvement au Pérou, en Bolivie et en France, nous avons atterri dans notre pays, à nos racines ancestrales, nous faisant découvrir la réalité de la campagne.

Aujourd’hui nous vivons à Vale da Prata, une petite communauté avec de modestes fermes dans le district rural de Mirantão, à soixante kilomètres de la ville de Resende, avec des hôpitaux, des banques et des supermarchés. Il semblerait que nous soyons isolés… Pourtant nous interagissons profondément avec d’autres personnes. Nous arrivons à sortir de la logique de l’individualisme, de l’accumulation et de la pénurie. Nous vivons quelque chose d’extraordinaire dans le monde actuel : l’attention et la disponibilité à l’autre, la capacité de partager, la logique de l’abondance. Nous vivons avec des personnes qui, en pratique, forgent de nouvelles voies pour préserver la planète à partir de leurs propres difficultés.

Nous apprenons à vivre à un autre rythme dans une économie qui résiste et se réinvente. Cela implique plusieurs sphères de nos vies : la présence de nos enfants à l’école et notre participation avec d’autres parents à une éducation de qualité pour tous ; la relation à la terre et à la production agricole ; la valorisation des connaissances traditionnelles ; la mobilisation collective et la participation communautaire ; le dialogue avec les pouvoirs publics et avec des mouvements ; la spiritualité. Cette spiritualité nous rapproche de groupes ethniques tels que les indigènes Pataxó Hã-hã-hãe à Bahia.

Au delà de notre enracinement local, nous sommes très liés à des gens de Petrópolis et de Morro dos Anjos, à des Indiens de Bahia et à des membres du Mouvement des Sans-terre. En vivant ainsi, nous offrons le meilleur de nous-mêmes pour construire une société libérée de la misère et de toutes les souffrances et les violences qu’elle génère.

Paru sur le journal d’ATD de mars 2018.

 

  1. Le Mouvement des Sans-terre est apparu au Brésil au début des années 1980 après des occupations de terres dans l’état du Rio Grande do Sul. Il réclame une réforme agraire et une redistribution plus juste de la terre dans un pays où 1 % de la population possède près de la moitié des surfaces cultivables. Les Sans-terre défendent une agriculture paysanne respectueuse de développement durable.