Pouvoir apprendre
ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Normalement, les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective, mais dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Huguette Redegeld (France).
A l’époque où, en France l’internet devenait mobile, j’ai été régulièrement partager dans un campement Rrom ce que je savais de l’informatique, avec enfants et parents. J’avais été introduit par une volontaire d’ATD Quart Monde qui connaissait bien ces familles. J’y allais avec du matériel connecté, dans le cadre d’un projet « Internet de rue ».
Toute une partie de la journée, les mamans partaient mendier, les papas cherchaient du travail. J’allais régulièrement au campement en fin d’après-midi, où j’étais souvent accueillie par Manuella, la grand-mère, avec une tasse de café. Je me rappelle encore le regard de Florin qui suivait des yeux la tête d’imprimante, alors qu’en plein champ, nous imprimions des photos que les uns et les autres m’avaient demandées. Les « tableaux » (grandes photos A4), comme les gens les appelaient, c’était ce qui les intéressait le plus : « c’est pour envoyer des nouvelles à la famille (restée au pays) ! » D’autres les affichaient dans leur caravane : si on est séparés par une expulsion, ça fait un souvenir.
Tout en menant cette activité, nous discutions souvent avec le papa de Florin et d’autres adultes. C’est ainsi que j’ai progressivement réalisé que, pour beaucoup de ces parents, plusieurs choses revenaient avec constance : avoir des toilettes, l’évacuation des ordures et surtout la scolarisation des enfants.
Nous y avons réfléchi ensemble et j’en ai parlé au collectif auquel je participais et où, par chance, se trouvait une personne travaillant à l’éducation nationale. Un petit groupe de parents et de membres du collectif est allé rencontrer le Maire. Une lettre de l’Éducation Nationale a appuyé la démarche.
Dans le campement, chacun cherchait comment préparer cette entrée à l’école. Ion, un autre papa, a engagé et réussi des démarches afin d’obtenir pour son fils Dorin des lunettes et un appareil auditif. Le campement était toujours boueux, perdu dans un recoin de bois, en plein milieu de la plaine. On a fait des dizaines de kilomètres, avec un vélo récupéré, pour que Dorin puisse se préparer à aller à l’école.
Dorin était très fier : « je veux apprendre », nous disait-il.
Après des semaines de démarches, Florin, Dorin et leurs copains ont été acceptés à l’école. Un transport scolaire est même venu les chercher !
- Beaucoup d’histoires de combats semblables se passent en Europe, simplement pour qu’un droit aussi élémentaire que celui des enfants d’aller à l’école soit appliqué ! Et ce, même s’il faut sans cesse recommencer à cause des expulsions, du racisme, des discriminations…
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