Comment pouvons-nous marcher vers 2017 ? | Jean TOUSSAINT
Par Jean Toussaint
Pour ATD Quart Monde, l’année 2017 se situe dans la suite directe du travail de connaissance « la misère est violence, rompre le silence, chercher la paix »
Pendant trois ans, de 2009 à 2012, et dans 25 pays, un énorme effort de connaissance et de réflexion a été fait par le Mouvement ATD Quart Monde, qui a permis de faire émerger, peu à peu, que « la misère est violence », et que refuser la misère, c’est chercher à « rompre le silence » et que, bien au-delà de l’image de personnes, familles, populations qui sont violentes, en fait, l’effort incessant des personnes très pauvres est, en permanence, de « chercher la paix ».
Ce que nous avons compris pendant ces années de travail a permis un approfondissement de notre action et de notre message, et représente même un renouvellement de notre manière de penser la lutte contre la pauvreté.
Ces pères et mères de famille qui sont « porteurs », qui portent les charges des commerçants, des acheteurs, des voyageurs, et qui sont tellement considérés comme des bêtes de somme qu’ils ne sont même pas payés pour leur travail harassant, ou qu’ils sont insultés pendant qu’on leur jette leurs quelques pièces.
Ces « domestiques » qui dorment dehors, sur le balcon de l’appartement de leurs maîtres.
Ces parents à qui l’on enlève leurs enfants et à qui l’on interdit de montrer la moindre émotion au moment de leur dire leur dernier au revoir.
Ces enfants qui sont moqués à l’école, qui se révoltent et sont alors accusés d’être eux-mêmes des violents.
Ces mères de famille condamnées à mentir pour pouvoir être aidées ou ces autres mamans qui doivent faire un choix impossible entre d’un côté laisser leurs enfants mourir de faim, ou d’un autre côté quitter la maison pour aller gagner quelques sous et pendant ce temps, exposer leurs enfants à la violence des bandes, et qui ensuite portent la culpabilité et le chagrin de n’avoir pas pu les protéger.
Toutes ces personnes que la violence de la misère enferme dans le mépris et condamne au silence, et qui pourtant cherchent au fond d’elles-mêmes comment faire face à toutes ces blessures et comment retrouver la dignité et la paix.
Mais aussi tous ces alliés et volontaires qui, dans leur solidarité avec les très pauvres, sont eux aussi confrontés à cette violence des injustices extrêmes.
C’est avec en nous toutes ces personnes, toutes ces violences, tous ces silences, que nous pouvons marcher vers 2017.
Photo : ATD Quart Monde – Asie
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