Protection de l’enfance, protection sociale : quelle synergie ?
La synergie est « l’interaction ou la coopération de plusieurs organismes, substances ou autres agents dont l’effet produit est plus bénéfique que la somme des effets séparés. » De même, une meilleure coordination entre les systèmes de protection de l’enfance et de soutien social pourrait avoir des retombées plus positives que ces programmes permettent isolément.
En mars dernier, cette synergie était le sujet d’une réunion organisée par plusieurs associations – dont ATD Quart Monde – au siège des Nations Unies, à New York. Intitulé « Ne laisser aucun enfant derrière : vers une plus grande synergie entre programmes de protection de l’enfance et de protection sociale », ce débat a vu se rassembler plusieurs membres officiels de l’ONU, mais également une militante d’ATD qui a elle-même connu la pauvreté.
D’après le modérateur Josh Chaffin (université Columbia), l’expérience des familles aux bas revenus a démontré qu’il existait un manque de liens entre protection de l’enfance et protection sociale. De même, ces systèmes n’arrivent pas toujours à répondre aux besoins de leurs bénéficiaires.
Maxine Andujar, une militante d’ATD Quart Monde, a évoqué les conséquences qu’avait eues la pauvreté sur sa propre famille. « Les services sociaux retirent parfois les enfants de la garde de leurs parents pour cause de ‘négligence’ – alors qu’il est en réalité question de manque de moyens. »
- Par exemple, madame Andujar ne peut pas travailler pour des raisons de santé. Elle n’a droit qu’à une indemnité de 310 dollars par mois de la part de la ville de New York. Cet argent et ses bons alimentaires sont les seules ressources dont elle dispose pour s’occuper de ses enfants et payer ses factures. À l’inverse, les familles d’accueil reçoivent entre 700 et 2 000 dollars par mois pour la charge d’un enfant adopté.
La pauvreté oblige souvent les familles à faire des choix cornéliens. Son fils étant harcelé à l’école, madame Andujar a décidé de le scolariser à domicile. Elle a dû à regret reporter sa propre formation ; mais pour elle, c’était la seule solution pour protéger son enfant et lui garantir une bonne éducation. À la maison, son fils se débrouille bien mieux qu’à l’école. La militante d’ATD a rappelé aux autres participants que
- Un environnement scolaire sûr et compétent ne devrait pas être un privilège mais un droit pour chaque enfant.
Des systèmes sociaux en amélioration au Bangladesh
Tareq Md. Ariful Islam, représentant du Bangladesh à l’ONU, a évoqué plusieurs politiques et pratiques développées récemment par son pays. Ainsi, un système de transfert de liquidités a été mis en place, contournant la bureaucratie en donnant directement les aides aux parents qui en ont besoin. Ce programme, qui cherche à profiter à toutes les familles, a fait chuter le taux de décrochage solaire.
L’éducation peut également avoir un effet positif dans d’autres domaines. Les écoles bengalies fournissent par exemple des repas gratuits aux élèves, incitant ceux qui viennent de familles en difficulté financière à venir chaque jour. Pour bénéficier au plus grand nombre, le Bangladesh commence à mettre en place des bus équipés d’appareils technologiques et de manuels scolaires ; cela offre une éducation mobile aux enfants vivant dans les régions les plus reculées.
Enfin, les programmes d’éducation les plus récents ont mis l’accent sur l’égalité des sexes, voulant rendre l’école accessible à toutes et à tous. Le pays a récemment adopté une loi pour limiter les mariages d’enfants ; en attirant l’attention de l’opinion publique sur les maux causés par cette pratique, le gouvernement espère y mettre un terme.
Des efforts récents au Rwanda
Pour Robert Kayinamura, Conseiller pour le Rwanda auprès de l’ONU, soutenir les enfants signifie aussi soutenir leurs familles ou leurs tuteurs. Le gouvernement a lancé de nombreux programmes pour éviter de séparer les enfants de leurs familles, contribuant à la fermeture des orphelinats dans le pays.
« Beaucoup pensent ne pas pouvoir s’offrir les services d’un médecin, ce qui entraîne la mort prématurée de nombreux enfants », a déclaré monsieur Kayinamura. Pour remédier à cela, le Rwanda a décidé de fournir à tous ses citoyens un accès gratuit aux soins de santé. La proximité est une donnée essentielle pour la réussite du programme ; des agents locaux se rendent à chaque domicile pour vérifier que les enfants sont couverts par une assurance.
Les foyers d’accueil, un système avec des lacunes
Andro Dadiani, de l’association SOS Villages d’Enfants, a rappelé que séparer les familles était une manière inacceptable de résoudre le problème de la pauvreté. Quand des enfants sont retirés de la garde de leurs parents, ils ne bénéficient d’un soutien financier que jusqu’à l’âge de 18 ans.
Quand la protection de l’enfance devient l’abandon de l’enfance.
De nouveaux services destinés aux enfants élevés en foyers d’accueil viendraient combler ce manque entre protection de l’enfance et protection sociale.
Les programmes de lutte contre la pauvreté, générateurs de stigmates ?
Les participants se sont accordés sur le fait que la protection sociale ne devrait pas se concentrer uniquement sur la pauvreté. Au Royaume-Uni par exemple, le programme de revenu de base universel a contribué à créer des préjugés à l’encontre des bénéficiaires. En Finlande au contraire, le système de bourse universel concerne tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-économique.
Comme souligné pendant la réunion, la synergie entre protection de l’enfance et protection sociale existe déjà dans certains pays. Les exemples incluent des programmes de transfert de liquidités ou « d’éducation mobile ». Ils réduisent les préjugés liés aux aides sociales ; ils permettent de repenser à comment et pourquoi il faut financer des systèmes de protection sociale tournés vers l’enfance. Mais tous les gouvernements ne donnent pas encore la priorité adéquate à ce type d’initiatives.
En conclusion, les participants ont rappelé la nécessité de voir les enfants comme les futurs membres d’un monde qu’ils seront un jour amenés à diriger.
Plus d’informations sur le plaidoyer d’ATD Quart Monde aux Nations Unies.