Repenser le travail avec les plus pauvres
Message de la Délégation générale du Mouvement international ATD Quart Monde pour le 17 octobre 2023, Journée mondiale du refus de la misère par Joseph Wresinski, journée reconnue par l’ONU depuis 1992.
Humiliation et violence
Dans un pays d’Afrique, une équipe d’ATD Quart Monde en lien avec des personnes vivant en situation de grande pauvreté nous explique :
- « en raison du manque d’emplois, des personnes sont obligées d’accepter n’importe quel type de travail. Beaucoup ont des emplois quotidiens comme la vente de marchandises dans la rue. Récemment, le gouvernement les a chassées de sorte qu’elles se retrouvent sans emploi, sans possibilité de rembourser le prêt qu’elles ont obtenu pour démarrer leur activité, avec des difficultés pour trouver un autre emploi, sans compter l’humiliation et la violence subies. »
À des milliers de kilomètres de là, dans un pays d’Europe, Agnès nous dit :
- « après l’école, j’ai fait un apprentissage […]. Je me suis retrouvée au chômage immédiatement après […]. Une fois, j’ai obtenu un emploi […]. Mais le patron me traitait comme un petit enfant stupide. […] Si tu es au chômage, tu n’as pas de dignité, tu es opprimée. Les gouvernements devraient constater par eux-mêmes à quel point il est difficile de vivre avec l’aide sociale, surtout avec un enfant, que cela vous détruit littéralement. […] Peut-être que l’un d’entre eux entendra cela là-haut et réfléchira un peu à ce qu’il fait aux gens comme moi. » Qui entendra Agnès ?
Privées d’emploi ou exposées à tous les risques dans l’économie informelle (dépourvues de protection sociale et juridique, parfois même d’une existence légale), c’est la même réalité qu’éprouvent les personnes que la grande pauvreté oppresse partout dans le monde : elles se démènent pour faire face aux difficultés. La survie est leur mode de vie ordinaire.
L’irréductible valeur de la dignité humaine
Pourtant, nous sommes témoins que les personnes qui luttent contre l’exclusion ne sont pas « inactives » : elles se lèvent chaque matin pour faire un travail souvent invisible qui contribue à prendre soin de leur famille, de leur entourage, de la société et du vivant.
- Par leurs actes de résistance et d’entraide, les personnes en situation de grande pauvreté sont les premières à s’employer à réparer notre monde et à empêcher qu’il ne se défasse. Celles qui font face à l’injustice, à la honte du rejet et du mépris social savent quelque chose qu’aucune école ne saurait enseigner : l’irréductible valeur de la dignité humaine.
Elles nous engagent à ne plus fuir la réalité : les promesses des droits fondamentaux ne sont pas tenues.
Qu’est devenu l’esprit de la déclaration de Philadelphie (1944) ?
Qu’est devenu l’esprit de la déclaration de Philadelphie (1944) ? Ce texte fondateur de l’Organisation internationale du travail (OIT) dit que :
« le travail n’est pas une marchandise »
et que:
« les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales. »
Pour construire un avenir désirable, nous pensons qu’il faut faire du travail décent un droit effectif pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent travailler. Un travail qui offre un revenu suffisant pour vivre et des conditions de travail sûres pour les femmes comme pour les hommes. Un travail qui permette à toutes et tous d’apporter leur intelligence et leurs capacités. Mais aussi une protection sociale qui permette de rebondir face aux coups durs de la vie. Une protection sociale qui permette de prendre soin les uns des autres.
En ce 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère, découvrons les savoirs d’expérience des personnes concernées par le travail informel et la privation d’emploi ; reconnaissons-les comme des partenaires à part entière pour repenser le travail (en emploi ou hors emploi) ; accueillons leurs contributions à la société et pensons ensemble des droits qui bénéficient à toutes et tous.
En nous mobilisant coude à coude, vivons la dignité en action !