Les Festivals des « Savoirs en pluie »

En Centrafrique, la saison des pluies correspond aux grandes vacances scolaires. Bien qu’une grosse averse puisse parfois les perturber, c’est  une période propice à l’organisation d’intenses activités avec les enfants, comme une « pluie de savoirs ». De là, les Festivals des « Savoirs en pluie » qui rassemblent des centaines d’enfants trois jours durant sur les différents sites où se déroulent habituellement les bibliothèques de rue d’ATD Quart Monde. Pourtant, les derniers festivals en Centrafrique remontaient à 2012, avant que les tensions dans le pays n’empêchent les enfants, jeunes et adultes, de se réunir.

Le 15 septembre 2016, 30 animateurs enthousiastes et motivés ont réouvert le partage des savoirs « grandeur nature », sur la place d’un village ou dans une rue. Avant d’aller à la rencontre des enfants durant 15 jours sur 6 sites différents, les animateurs ont suivi une formation et préparé des activités à partir des talents et savoir-faire des uns et des autres. Ils ont été bien accueillis dans les quartiers et les activités se sont déroulées sous les yeux attentifs des parents. Certains venaient donner un mot d’encouragement, d’autres ont mis la main à la pâte.

Les matinées au siège d’ATD Quart Monde à Bangui étaient consacrées à l’évaluation des activités de la veille et à la programmation des ateliers de la journée : jeux en bois, reportage, fabrication de terrains de mini-foot, bijoux en tissus et perles, contes et lecture, visite aux autorités (chefs de quartiers) et parents, jeux de plein air, danse traditionnelle, peinture murale, etc…

Dans chaque lieu du festival, le DVD réalisé en 2012 avec les enfants – 7 clip-vidéos montrant les chansons interprétées par ces mêmes enfants- a pu être visionné 4 ans après que le conflit ne vienne interrompre le projet. Parents et enfants découvraient ces images et revivaient les souvenirs d’un projet qui avait suscité beaucoup d’enthousiasme et d’élan. En se voyant sur l’écran, certains avaient du mal à reconnaître le petit garçon ou la petite fille qu’ils étaient alors ! Les sourires de fierté étaient sur tous les visages. Ce fut aussi une occasion de redire combien les années passées, malgré l’impossibilité de se rassembler, n’avaient pas éteint la soif ni la mémoire du combat pour la culture, la beauté, la joie à laquelle tous les enfants ont droit.

Des animateurs témoignent de ce qu’ils ont vécu

« Nous avons été bien accueillis par les familles : cela a été pour nous et pour les familles un moment fort, un temps de partage, d’amitié, d’échanges, un moment de grande ambiance. Les enfants qui vivaient dans la peur ou dans l’angoisse ont pu se libérer, la famille isolée a pu chanter enfin avec les autres. Les amitiés se créent, les mères et les pères de famille s’acceptent, et des enfants ont même proposé au Mouvement ATD Quart Monde de refaire ce type d’activités le plus souvent possible, si l’occasion le permet. »

« Je suis touché par la curiosité d’une fille qui voulait venir à l’activité. Le premier jour elle était empêchée par sa mère. Mais en « corrompant » sa mère, elle a réussi à venir. Nous avons construit des jeux en bois pendant trois jours. Elle était très contente de ce qu’elle a réalisé. Elle a dit : ‘Je fais ce que les garçons font. Moi aussi je peux le faire même si c’est un travail dur pour les hommes. J’essaie de le faire pour aller montrer ce que j’ai réalisé à ma mère qui m’a empêchée de venir à l’activité. Pour partager le savoir fait ensemble avec mes amis.’ Le jour de l’évaluation les animateurs ont invité cette fille pour qu’elle participe à l’animation dans d’autres sites. On avait demandé son accord à sa mère. Elle a donc pu participer à l’animation sur le site de Kokoro. Le festival des savoirs pendant trois jours à ouvert la curiosité des enfants parce que ça faisait de nombreuses années que les enfants n’avaient pas eu cette chance. »