S’associer entre nous, c’est notre assurance
Peinture : 2017, ATD Quart Monde – AR0201602038 © Guillermo Diaz
En Tanzanie, les membres d’ATD Quart Monde ont réfléchi ensemble à partir de la lettre de la délégation générale du Mouvement reçue durant la pandémie. Cet article reprend des extraits de leurs réflexion.
Les humains sont des êtres sociaux. Nous vivons ensemble et avons des façons différentes d’exprimer nos sentiments les uns envers les autres. Nous aimons, nous détestons et nous passons par différentes émotions. À travers différents gestes, nos expressions et notre langage corporel communiquent nos sentiments aux autres. Le COVID-19 nous a obligés à cacher nos visages en les recouvrant à moitié avec des masques. Les experts de la santé nous enjoignent de ne pas nous étreindre ni de nous serrer la main. Dans certaines régions, les gens sont invités à rester chez eux. Le terme est la distanciation sociale. Dans les régions qui ne sont pas en confinement, certaines personnes vivent dans la peur, qui conduit à la ségrégation et à la stigmatisation. Pour revenir à notre origine d’êtres sociaux, nous devons nous associer à cette maladie, car nous ne savons pas quand elle se terminera.
- Comme le disait une mère de famille, « en ce moment, lorsque quelqu’un meurt, ses proches ne peuvent pas l’enterrer. C’est très triste pour les proches parce qu’ils n’ont même pas la possibilité d’accompagner le corps du défunt jusqu’au cimetière pour lui dire au revoir ».
En ce qui concerne l’éducation, le gouvernement devrait présenter un programme de retour des enfants à l’école digne de ce nom, où toutes les précautions devront être prises. Compte tenu de la saturation des écoles et des classes, il convient d’envisager la création de classes supplémentaires ou la fréquentation des écoles par les élèves à tour de rôle. Les prix de certains produits de base sont élevés. Certains commerçants ont profité de la situation pour cacher des produits comme le sucre, qui s’est raréfié pendant le Ramadan.
Les relations avec les voisins, les amis et les membres de la communauté qui nous entourent sont le choix fondamental que l’on peut faire. En tant qu’être social, personne ne peut vivre seul dans l’isolement. Les relations et l’association avec d’autres personnes font partie d’un mode de vie ordinaire. Nous dépendons les uns des autres pour surmonter nos difficultés dans nos luttes quotidiennes. S’associer à d’autres personnes permet d’avoir de bonnes relations. Discuter, partager fait partie intégrante de nos relations humaines. En s’associant, nous apprenons beaucoup de choses les uns des autres.
S’associer entre nous, c’est notre assurance.
Être ensemble nous aide aussi à surmonter nos peurs, à nous aimer les uns les autres et à nous réconforter dans les moments difficiles. Mais bien-sûr en respectant les directives sanitaires contre le COVID-19, afin de créer de la sécurité pour tous.
Se réconforter mutuellement dans les moments difficiles et lors des funérailles, rendre visite à un voisin, un ami ou un parent malade, faire preuve de compassion envers les personnes dans le besoin est notre responsabilité. Toute action de ségrégation ou de stigmatisation est inacceptable.
Nous devons apprendre à rechercher et à avoir accès aux bonnes informations afin d’être correctement informés. Cela permettra de faire les bons choix, surtout dans les moments difficiles comme aujourd’hui.
- « Cette situation est dangereuse pour nos familles, car nous ne pouvons pas nous rendre visite les uns les autres. Il n’y a pas d’événements sociaux tels que les danses traditionnelles car elles ne sont pas autorisées » dit une femme.
- Une autre ajoute : « En ce moment, quand je tombe malade, mes proches ne me rendent pas visite parce qu’ils pensent que c’est le COVID-19. Ils ont peur d’être infectés alors que vous pouvez très bien souffrir d’une autre fièvre comme la malaria ».
- « Je me sens très mal à cause de mes enfants. Comme ils ne vont pas à l’école, ils manquent beaucoup de choses importantes » confie une autre.
- Un volontaire permanent explique : « Cette période de pandémie me fait penser qu’il est temps de réfléchir et d’être plus créatif dans la façon de poursuivre mon engagement aux côtés des familles les plus pauvres. Je suis comme un lien entre les familles du Quart Monde en Tanzanie et celles qui vivent ailleurs dans le monde. Je sens plus nécessaire que jamais de partager ce qu’il se passe avec la pandémie. Il est important de rester flexible tout en suivant au mieux les directives données par les autorités sanitaires. Tenir ces deux bouts pour aller de l’avant et continuer à être proche des familles les plus éprouvées, en partageant les informations avec elles ».
Les ambitions d’ATD Quart Monde sont inscrites dans cette affirmation : « ne laisser personne de côté ». Toutes nos actions durant cette pandémie doivent impliquer les plus pauvres. La plupart des plans visant à aider les élèves pendant leur séjour à la maison durant la pandémie n’incluaient pas les enfants des familles les plus pauvres. Tous les membres d’ATD Quart Monde doivent travailler ensemble afin de mettre au point une stratégie pertinente pour atteindre les laissés-pour-compte. Il est primordial d’attirer l’attention du public sur cette question.
La situation ne permet pas aux gens de s’asseoir ensemble et de discuter, mais rendre visite aux uns et autres permet de rassembler des idées et d’agir ensemble.
- « Il est triste que vous ne puissiez pas réunir les familles pour célébrer la Journée internationale de la famille, dit une femme. Lorsque nous nous réunissons et partageons nos idées et nos expériences, cela nous aide dans notre lutte contre l’extrême pauvreté. Je tiens à ce que vous continuiez à nous soutenir afin que nos enfants puissent travailler à la maison, car ils sont l’avenir de notre nation ».
La situation actuelle a obligé les volontaires permanents à imaginer d’autres façons d’agir puisqu’il n’est pas possible de se rassembler. Cela signifie que la plupart des actions doivent être pensées et menées différemment, en gardant pour boussole les engagements communs aux équipes du Mouvement dans le monde.