« Si vous nous écoutez, nous existons »
Améliorer la vie de son quartier
Le groupe des enfants Tapori de Séville et leurs familles veulent que la bibliothèque municipale ouvre le samedi. Trente ans après la Convention internationale des Droits de l’Enfant, ils nous rappellent un des fondements de ce texte : l’importance d’être à l’écoute des enfants lorsque l’on se bat pour les droits de tous les citoyens.
Depuis 2011, ATD Quart Monde est présent dans le quartier connu sous le nom de « Tres Mil Viviendas » (Trois Mille Maisons). Un des plus pauvres d’Espagne. Fortement stigmatisé et isolé, il l’est encore plus en fin de semaine et les jours fériés lorsque les associations et institutions s’absentent. L’équipe d’ATD Quart Monde a décidé, avec l’accord et le soutien des parents, de mettre sur pied une Bibliothèque de rue le samedi matin. En même temps, ils soutiennent les démarches des habitants pour obtenir des logements dignes, une éducation à la hauteur des attentes des familles, et démontrer l’aptitude à l’emploi des plus pauvres. Notamment en mettant en valeur leurs savoirs, les métiers qu’ils ont exercés, les combats déjà menés et trop souvent ignorés de la société.
Un groupe Tapori à Séville mobilisé pour les droits de tous
Le groupe a suivi avec enthousiasme la mobilisation des familles du quartier et s’est mis à l’œuvre. Les enfants cherchent comment améliorer le vivre ensemble dans les lieux publics. Ils réfléchissent ensemble et deviennent force de proposition. Alba, animatrice du groupe et alliée d’ATD Quart Monde explique :
« Nous avons cherché avec détermination les personnes les plus éloignées du travail, de la vie sociale, des livres, et la bibliothèque de rue a été source de nombreuses rencontres et découvertes. »
« Les enfants ont très envie de lire et d’apprendre. Ils prennent les livres les uns après les autres sans même les avoir finis. Ils veulent pouvoir les toucher, regarder les pages eux-mêmes. Ils inventent leurs propres histoires sur des contes qu’ils ont déjà lus et proposent des jeux inspirés par les illustrations. Quand ils ont appris qu’il y avait un groupe Tapori dans le quartier San Isidro à Madrid, ils ont commencé avec beaucoup de joie à échanger des cartes avec eux. »
Le groupe Tapori de Séville est formé de filles et de garçons qui viennent des alentours, certains participent à la bibliothèque de rue, d’autres pas. Cependant tous sont d’accord sur une chose : ils veulent pouvoir aller à la bibliothèque municipale en fin de semaine lorsque tout est fermé. Ils pensent que ce serait une bonne chose non seulement pour eux mais pour l’ensemble des habitants du quartier.
Ouvrir la bibliothèque le samedi, un défi de taille
Bien que la porte de la bibliothèque du quartier reste fermée le samedi, les enfants persistent pendant près d’un an à se retrouver devant. Un jour, ils décident de tenter une autre méthode : écrire une lettre.
Ils prennent une feuille de papier déjà utilisée, sur une table un peu bancale et sans gomme pour faire des corrections. Mais ça leur est égal, leur but est clair. Leurs familles les soutiennent, et, fiers de leur initiative, tous signent la lettre. Le crayon dont la mine touche à sa fin circule de l’un à l’autre. Petits et grands signent, qu’ils sachent lire ou pas. Personne ne veut qu’on signe à sa place. Ils se sont mobilisés, ils sont passés à l’action.
Certaines mères de famille qui ont fondé la coopérative de voisinage « Tres Mil Ideas » (Trois Mille Idées) disent qu’elles vont aller chercher d’autres adultes des alentours pour qu’ils soutiennent à leur tour le projet des enfants. Elles pensent qu’en parlant avec la directrice de l’école et la responsable des études, elles trouveront de l’appui. La nouvelle est publiée dans le journal du centre éducatif et ainsi plus de personnes du quartier signent et rejoignent leur cause. Toutes les signatures sont envoyées aux autorités compétentes.
Le groupe Tapori a reçu une première réponse officielle leur assurant qu’il y aurait une rencontre avec les représentants de l’Institut de la Culture et des Arts de Séville, entité chargée de la gestion des bibliothèques et théâtres de la ville.
Aujourd’hui, bien que les autorités disent avoir programmé cette rencontre, elle n’a toujours pas eu lieu. Le groupe Tapori et leurs familles n’ont pas dit leur dernier mot. Ils se réunissent et créent affiches, pancartes. et même une pétition en ligne. Ils ont réussi à récolter plus de 800 signatures d’habitants de Séville et des communes alentours. Ils participent à la Journée mondiale du refus de la misère et préparent la célébration des 30 ans de la Convention internationale des Droits de l’Enfant.
Leur mobilisation n’est pas de tout repos, mais ils vont de l’avant, convaincus que le respect de l’enfant c’est aussi écouter et prendre en compte les propositions qu’il fait pour améliorer son environnement et celui des autres. Comme le stipule l’article 12 de la Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant :
Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Pour accéder à la pétition en ligne
Pour en savoir plus sur le Mouvement ATD Quart Monde en Espagne, cliquer ici ou sur le site ATD Cuarto Mundo