Une mémoire vivante

À l’occasion de la journée internationale des archives, le 9 juin, le site international d’ATD Quart Monde en collaboration avec le centre d’archives Joseph Wresinski, met en valeur le travail d’ATD Quart Monde en matière d’archivage et de documentation sur l’histoire de ceux et celles qui vivent l’extrême pauvreté.

Sur le site web, nous aimons raconter l’histoire de militant·e·s, d’allié·e·s et de volontaires qui luttent contre la pauvreté, là où ils et elles sont. Mais il est bon de se rappeler que ces histoires s’inscrivent dans une histoire plus grande et que chacune d’elles participent à bâtir une société sans misère (comme aurait dit Joseph Wresinski) ou une société qui refuse l’exclusion des personnes en situation d’extrême pauvreté.

Cette journée a pour but de célébrer l’importance des archives car elles constituent la mémoire des peuples grâce à des témoignages irremplaçables des événements passés.

Et nous nous souvenons de la mémoire des personnes en situation de pauvreté.

Le lieu de notre histoire

Marie Jahrling et David Jousset, juin 2017 à Cerisy. Photographe: François Phliponeau

Le premier texte que nous vous proposons est l’intervention de Marie Jahrling lors du colloque à Cerisy en juin 2017.

Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski à Baillet-en-France

Depuis Noisy-le-Grand, le père Joseph, retrouvant le vécu de misère de sa propre famille, a eu l’intuition que la misère n’était pas une fatalité mais due à l’exclusion, et que seuls les hommes pouvaient la détruire ; pour ça, il fallait le démontrer. Bien vite il a demandé aux volontaires d’écrire leur quotidien avec les personnes rencontrées, toutes ces données ont permis de construire une connaissance importante.

Afin que cette connaissance serve la cause des plus pauvres, il a fallu archiver. La masse des données étant devenue trop importante et le lieu trop précaire, il a été décidé de faire bâtir un bâtiment moderne et sécurisé afin de conserver au maximum dans le temps et la qualité tous ces bouts de vie partagés avec les plus pauvres du monde.

Baillet est le lieu de notre histoire, c’est le parcours, le combat du père Joseph Wresinski. C’est le lieu de la preuve de l’existence du Peuple du Quart Monde et de nos pas dans la vie sociale. C’est un lieu de connaissance, de recherches, de rencontres, d’échanges. C’est un lieu de respect pour les plus pauvres : un lieu souvenir du père Joseph Wresinski.

Ce centre d’archivage est un édifice grandiose des savoirs, connaissances partagées, pour la première fois dans l’histoire des hommes écrite avec les plus pauvres de tous les continents. C’est un outil extraordinaire de lutte contre l’injustice qu’est la grande pauvreté, mais qui pourrait nuire entre les mains de personnes de mauvais esprit ; une grande vigilance légitime s’impose. Tous les chercheurs et scientifiques sont les bienvenus.
Le but étant de faire reconnaître que la misère n’est pas fatale, elle est l’œuvre des hommes et seule la volonté des hommes peut la détruire.

Une histoire qui parle de courage

Joseph Wresinski, juin 1983

Le deuxième texte que nous vous proposons est extrait de la communication de Joseph Wresinski à l’Académie des sciences morales et politiques (Institut de France) le 13 juin 1983.

L’histoire des plus pauvres n’est transmise que lorsque ceux-ci affleurent dans la vie des non-pauvres, au moment des guerres, des pestes, des grandes catastrophes qui touchent un pays tout entier, ou lorsque les pauvres se montrent un danger pour les nantis par leurs violences, leurs révoltes. En dehors de ces événements, elle n’a laissé de traces que dans les archives des œuvres d’assistance, de la justice et de la police. Mais les sous-prolétaires, eux, veulent conserver d’autres souvenirs. Ils veulent pouvoir se référer à une histoire propre, authentique, attestant des situations subies, des obstacles malgré tout vaincus, des lignées de familles pauvres se prolongeant avec courage et ténacité. Ils parlent comme d’un paradis perdu de l’ancienne cité d’urgence pour que nous comprenions leur courage. Ils savent ce qui fonde leur identité collective, ce n’est pas la dureté du passé, mais la résistance qui permettrait de ne pas se laisser anéantir. Malheureusement, la mémoire que les sous-prolétaires gardent collectivement de leur expérience est isolée du reste de la société. Lorsque cette histoire pourra se situer dans un monde plus large, elle pourra s’y faire connaître. […] Prendre les moyens de cette connaissance, c’est déjà renverser nos comportements d’exclusion et contribuer à faire entrer, autrement, les plus pauvres dans le jeu social.


Depuis 2023, une partie des archives d’ATD Quart Monde est inscrite au Registre International Mémoire du Monde de l’Unesco. À lire aussi: Les plus pauvres entrent dans l’histoire.

Pour découvrir plus d’archives, visitez le site web du centre Joseph Wresinski.

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