Unis, nous sommes un rocher
En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Joël Félicien Heriniaina (Madagascar).
Au mois de septembre dernier, je suis allé au village natal de mon beau-frère qui se trouve à plus de cent kilomètres de Antananarivo afin de l’aider à rénover une tombe. Une fois là-bas, j’ai fait un petit tour pour découvrir le village et j’ai vu une école sans toiture, sans porte et qui ne comportait que deux pièces pour accueillir les élèves de primaire.
J’ai appris que les classes se relayaient pour étudier seulement deux heures par jour, et que seule la classe des plus grands bénéficiait de plus d’heures de cours, pour que les élèves puissent réussir leur examen de fin d’études primaires.
- En période de pluie, aucun enfant ne pouvait étudier.
On m’a aussi raconté que le résultat de l’examen final était bon. Cela m’est allé droit au cœur et a réveillé mon enthousiasme de faire quelque chose.
Je me suis rendu auprès du président du village pour lui parler. Il m’a rétorqué : “ Est-ce que cela te regarde ? Tu es étranger au village ”. J’ai fait de mon mieux pour rester calme et lui ai expliqué que ça ne me convenait pas de savoir que les enfants ne pouvaient pas étudier quand il pleut. Il a affirmé ne pas avoir les ressources pour construire une école.
Une fois arrivé à la maison, j’ai interrogé mon beau-frère sur cette école. Il m’a répondu : “ Fais ton travail car tu n’as pas à t’occuper de cela ”. En mon for intérieur je me disais que je devais m’occuper de cela.
J’ai rencontré un enseignant, j’ai discuté avec lui et lui ai dit que je n’avais pas de moyens financiers mais que je pouvais échanger des idées avec lui concernant cette école.
Il m’a répondu qu’il voulait aménager cette école mais ne trouvait pas d’issue.
Nous nous sommes rendus au bureau de la commune, à une bonne heure de marche.
- Quand le maire a vu l’enseignant, il a décrété : “ Il n’y a pas encore de financement pour la construction d’une école ici, c’est vous qui n’êtes pas capables de vous débrouiller pour trouver de l’argent ”.
J’ai insisté en disant : “ Je vous en prie, permettez-nous de discuter avec vous, nous sommes tous des Hommes ”. Le maire a répondu : “ Qui es-tu pour t’immiscer dans les affaires des gens d’ici ? Tu es étranger et nouveau venu au village ”. Je lui dis pourquoi j’étais dans le village. “ Occupe-toi bien du tombeau et rentre chez toi. ” Fin de non-recevoir.
Il se trouve que je fais partie d’un groupe d’ATD Quart Monde, appelé “ tête ensemble ”, composé de personnes de différents milieux, où nous partageons nos idées à égalité pour prendre des décisions concernant l’animation du Mouvement à Madagascar. Nos échanges d’idées me sont revenus à l’esprit.
L’instituteur et moi avons réuni les parents et leur avons dit : “ La période de pluie approche et si vous voulez que l’école soit bien restaurée, vous pouvez le faire en vous cotisant ”.
Il a été décidé qu’un enseignant gérerait le fond. Chacun a donné ce qu’il a pu et au bout de dix jours, on a pu réunir de quoi acheter des tôles, du bois et des clous. Les habitants ont pu acheter huit tôles. Voyant cela, le maire a également contribué. Nous avons aussi mobilisé les parents pour qu’ils fassent les travaux eux-mêmes, et ils ont accepté. La pose de la toiture a été faite avec succès. Ce jour-là, on a construit uniquement le toit, mais la population a continué et les gens ont fourni eux-mêmes les portes.
- Deux mois plus tard, l’école était réparée. A présent, les enfants peuvent étudier même s’il pleut.
Mon beau-frère m’a encouragé quand il a vu l’école.
Si tout le monde assume ses responsabilités, la Nation ira très loin. Pour moi, c’est grâce à la participation de tout le monde que le travail a été accompli.
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