UPQM Maurice : améliorer l’accès au logement social
La deuxième Université populaire Quart Monde de Maurice (Liniversite Karmond Moris) s’est inscrite dans la continuité de la précédente sur le thème du logement. Les participants, militants quart monde de plusieurs quartiers, ont dialogué avec 2 responsables du logement social pour trouver des solutions aux difficultés rencontrées par les familles à faibles revenus dans l’accès au logement.
Pour préparer la rencontre avec Mr Gilles L’Entêté, Directeur général de la National Housing Development Company (NHDC), et Mr Clifford Vellien, Directeur en communication de la National Empowerment Foundation (NEF), deux organismes chargés de la mise en œuvre du programme national de logements sociaux, les participants, une quarantaine, s’étaient informés sur la politique menée par le gouvernement dans le domaine du logement et avaient rassemblé leur expérience, tant leurs aspirations que leurs difficultés.
Les divers groupes ont d’abord expliqué l’importance d’avoir un logement pour se sentir en sécurité avec sa famille, et faire des projets : « une maison solide, avec toutes les infrastructures », « une maison réunit la famille », « A l’arrivée d’un cyclone, nous n’aurons pas besoin de nous stresser et aller dans un centre de refuge », « une cour pour planter », « un logement c’est tout pour une personne ». Les invités ont souligné en retour l’importance que le logement social réponde à ces aspirations des familles pour un logement décent, sûr, accessible à tous.
Pourtant il existe de nombreux obstacles pour que ces aspirations se concrétisent. Une militante a réagi : « Je voudrais demander ce qu’il faut faire pour avoir ce vrai logement pour que nos enfants puissent vivre en paix, parce que je trouve qu’il y a beaucoup de difficultés lorsqu’on va chercher un logement. Si on travaille et qu’on ne gagne pas beaucoup d’argent, c’est difficile d’avoir un logement. »
Les invités ont expliqué la différence entre les 2 organismes qui octroient des logements aux familles en fonction de leurs revenus : la NHDC demande un salaire minimum de Rs6,200.-/mois (158 euros), tandis que les bénéficiaires de la NEF sont des personnes aux revenus inférieurs à Rs6,200.-/mois.
Mais un autre participant a souligné la difficulté de payer des intérêts élevés pour rembourser l’emprunt de sa maison, quand on a un travail peu rémunéré :
- « Je suis un papa de 4 enfants. Dans ma famille, je le seul qui travaille. Je dois m’occuper de leurs matériels scolaires, de la nourriture. Je suis propriétaire d’une maison de la NHDC. Pourquoi à chaque fois il y a un intérêt énorme à payer ? Depuis 4 à 5 mois, je n’arrive pas à payer ma maison. Parfois, je me dis que s’il arrive que je perde ma maison, je perdrai mon âme, je perdrai ma famille, je perdrai tout. Je voudrais juste demander s’il n’y aurait pas une solution à ce problème-là ?»
Mr Gilles L’Entêté a répondu que son administration était ouverte au dialogue pour trouver des solutions tenant compte de la situation particulière des familles et a invité le militant à venir au bureau de la NHDC.
Des propositions concrètes pour améliorer la politique du logement
Tout au long de la plénière, les groupes de préparation des différents quartiers ont fait des propositions et ont eu de longs débats avec les invités sur leurs situations personnelles et collectives pour trouver des solutions face aux difficultés rencontrées :
- le suivi des dossiers (parfois perdus et devant être refaits) et le trop grand nombre d’interlocuteurs : « Nous ne savons pas toujours à quelle porte frapper. Nous voudrions qu’il y ait une personne au bureau du logement qui soit là pour nous donner des renseignements et nous dire où ils en sont avec notre application pour un logement. Nous proposons qu’une procédure de carte soit établie. Sur cette carte, il y aurait le numéro de l’officier qui s’est occupé de notre application, le numéro de téléphone, le numéro du dossier. Ainsi, lorsqu’une personne téléphonera, elle pourra obtenir tous les renseignements voulus et n’aura pas à parler à plusieurs personnes. De même, une carte avec un numéro ne se perdra pas. Si le dossier se perd, nous savons quelle personne a fait l’enregistrement et elle devra en rendre compte. »
- le manque de connaissance du terrain par les organismes : « Lorsque vous envoyez un officier dans un village, il faut qu’il aille rencontrer un responsable du village car cela facilitera son travail. Si l’officier pénètre seul dans le quartier, rien ne marchera. Dans mon quartier, je travaille avec les officiers de la NEF. Ils sont accompagnés des responsables du quartier. Cela leur donne une facilité. Lorsqu’un officier arrive dans un endroit, il ne sait pas qui est pauvre ou qui ne l’est pas. Au lieu de faire sortir les personnes de la pauvreté, il donne aux personnes qui sont moins pauvres. »
- l’exiguïté des terrains qui obligent les familles d’un quartier à vivre entassées et sans intimité ou les erreurs dans certains dossiers qui pénalisent les familles.
L’intérêt des invités aux propositions venant des quartiers était tangible : « Vous savez, nous devons aussi apprendre de vous. Votre idée d’une carte pour le suivi du dossier est intéressante » a souligné Gilles L’Entêté. Les invités ont également expliqué le fonctionnement d’une nouvelle structure, le SRM (« Social Registrar Mauritius », registre social de Maurice) qui réalise des enquêtes sociales de terrain dans des quartiers avec des situations de pauvreté et permet de déterminer si les familles peuvent bénéficier de certains services de la NEF (logement social, placement et formation et du matériel scolaire pour les enfants).
Un dialogue nécessaire et constructif
Les participants étaient fiers d’avoir vécu un dialogue constructif, croisant les connaissances et expériences et débouchant sur des propositions concrètes et sur un engagement des autorités à poursuivre le dialogue.
« Je voudrais remercier les représentants d’Anoska, de Richelieu, de Case Noyale et de Sainte Croix pour leur intervention très riche, a déclaré M.Vellien. J’ai apprécié leur sincérité, leur détermination, leur courage et leur franc parler. Je sors grandi de ce programme-là. Je vous rassure que je vais transmettre vos demandes et votre interpellation à qui de droit. Et je vous remercie pour votre patience de nous avoir écoutés aujourd’hui, un dimanche. »
« J’ai beaucoup appris avec vous, a renchéri M L’Entêté. On dit : « dix têtes valent mieux qu’une seule tête » parce que nous n’avons pas toujours toutes les solutions dans notre tête. Mais nous savons que lorsqu’une personne partage son idée, c’est à ce moment-là que nous pourrons travailler là-dessus et chercher une autre façon pour trouver une solution. »